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COMMENT IL FAUT LIRE
PÉTRARQUE

L’abbé de Sade, en tête de son livre (le premier bon livre qui ait été écrit en français sur Pétrarque), s’excuse fort de son audace. On lui a répété, ce qui le rend confus, ce propos d’une dame qui savait bien des choses, la reine Christine de Suède « Pétrarque était un très grand philosophe, un très grand amoureux, un très grand poète : il faut réunir ces trois qualités pour l’entendre [1]. »

Pétrarque était cela et bien d’autres choses encore.

Un siècle, ou environ, après l’abbé de Sade, Lamartine, dans son Cours familier de littérature, posait autrement la question, dans une phrase où il semble qu’il parlât de lui-même, autant que du fameux Toscan : « Pour les uns il est poésie, pour les autres histoire ; pour ceux-ci amour, pour ceux-là politique. Sa vie est le roman d’une grande âme. »

Lamartine ajoute la politique et l’histoire, et il oublie la philosophie morale. Nul homme du passé n’est plus difficile à connaître que Pétrarque. C’est tout un monde que sa vie, un monde que son esprit.

Pour donner, par comparaison, quelque idée de cet esprit et de cette vie, de Pétrarque humaniste, érudit, moraliste, politique, pénitent, de combien de grands hommes n’évoquerait-on pas l’image ? C’est, si l’on veut, Erasme, c’est Montaigne, c’est Augustin. Je dirai presque encore : c’est Lamartine. Et si je voulais trouver un autre homme de lettres qui ait exercé sur

  1. Mémoires pour la vie de François Pétrarque, 1764. T. I, p. LXXIII.