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qui viennent de s’écouler. » Et ce beau cri : « Quand on voit ces gens fous de joie et ce beau pays, on se dit que cela valait la peine de se battre ! » Et qu’il est beau, cet autre cri où revit l’orgueil des soldats de l’an II ou des grognards du Grand Empire : « C’est un peuple qui mérite d’être français. » D’ailleurs ces gens n’ont jamais cessé de l’être. « Je t’assure que les Boches n’ont pas beaucoup réussi à faire oublier les sentiments français de ces gens-là. » « Nous comprenons combien devait être dure la vie de ces Français opprimés de ce pays. Ils nous ont paru attendre comme des personnes qui retrouvent la famille après une longue et cruelle séparation. » « Jamais je n’aurais cru que le sang français se soit tant conservé. Je n’ai jamais trouvé en France tant de complaisance, des gens si aimables : ils se couperaient en quatre pour nous faire plaisir. » — « L’impression générale, impression que vous pourrez communiquer partout, c’est que l’Alsace est restée entièrement française. » Et c’est alors que nos hommes s’irritent contre les sceptiques. « Qu’ils viennent un peu ici ceux qui disaient que l’Alsace-Lorraine était boche ! Ils seraient bien vite édifiés. » « Si tous ceux qui ont douté de la sincérité des Alsaciens-Lorrains étaient ici et entendaient tout cela, ils se sauveraient de honte. »

Quels sentiments fougueux ! Mais aussi quelles scènes charmantes ! Voici un de nos hommes qui en décrit une dans tel style que je crois lire une de ces mille lettres que jadis je déchiffrais, sorties de la plume, si savoureuse en sa légère emphase, des soldats de la Révolution et de l’Empire : « A peine sur le seuil du salon, voilà la Marseillaise qui nous accueille. Silencieux, nous écoutons. Les dernières notes plaquées avec fougue, une jeune fille de quinze à seize ans se retourne en souriant et nous jette une gerbe de fleurs. Un vieux vin du Rhin sorti du fond de la cave explique mieux que le reste la joie de nos hôtes. »

Est-il étonnant que, pénétrés de reconnaissance, les Français mettent quelque coquetterie, puisqu’on les trouve « charmants, » à l’être toujours plus ? Des plus hauts chefs aux plus modestes poilus, chacun s’y applique et presque s’y ingénie. C’est un échange de grâces : l’amitié coule à pleins bords de part et d’autre, et les deux courants en se mariant s’enflent et débordent. Rien n’est d’ailleurs perdu : « Ah ! monsieur,