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de « Guillaume le Grand : » j’ai entendu à Mulhouse, à Colmar, s’exprimer naïvement le regret qu’on n’en eût point à jeter bas. On ricane au sujet de plébiscite. « Enfin nos dignes Teutons se sont rendu compte que le plébiscite était superflu... » « Ce jour-là (le 17, à Mulhouse), les Boches ont déjà pu reconnaître les résultats que donnerait le plébiscite. » « ... Je dirai à mon gouvernement ce qu’il en est, disait un haut fonctionnaire prussien à l’officier français qui le venait relever : je dirai qu’il faut renoncer à toute idée de plébiscite : ce peuple nous déteste ; vous auriez 95 pour 100 des voix. » Mais le glas fut sonné par la Gazette, de Cologne après l’entrée de Gouraud « Le nom de Strasbourg est devenu un cri de douleur qui retentit d’une façon aiguë à travers toute l’Allemagne. Strasbourg est perdu pour V Allemagne... Mieux vaut ne pas nous leurrer d’ailleurs. La haine de l’Allemagne se manifeste à travers toute l’Alsace avec la violence d’un ouragan ! Les Français dans le délire de l’enthousiasme sont accueillis en vrais libérateurs. »

Le fait est que les Allemands restés en Alsace demeurent confondus, tremblants tout à la fois de fureur, d’épouvante et d’humiliation, sauf ceux qui déjà cherchent quel profit on peut tirer de la situation.

« Nous ne nous attendions pas à une telle fin. Que l’humiliation d’une telle conclusion puisse être ressentie aussi en Allemagne, ce n’est pas douteux, mais ici cela se hausse jusqu’à l’insupportable. L’exaltation, la jubilation... les drapeaux, les fleurs, les trois couleurs aux vêtements des hommes et des gamins de rue, tout cela avec l’entrée pompeuse des troupes françaises et les nombreux cris de Vive la France ! A bas les Boches ! M….. pour les Prussiens ! tout cela agace les nerfs, qu’on le veuille ou non. » « Les vieux Allemands qui sont ici souffrent atrocement. Tous parlent de nouveau français. » « Cette entrée des Français a été pour nous un tel martyre... Ils sont là, tout le monde en Alsace pleure de joie ; nous, nous pleurons de désespoir... Nous n’osons pas porter la cocarde tricolore, de peur que les Alsaciens nous l’arrachent. Les Alsaciens sont délivrés et pour nous est arrivé le crucifiement. »

Certains prennent, à la vérité, la chose moins au tragique. « Ma foi, on laisse les Allemands tranquilles : moi, par exemple, je fais mon travail comme avant. » « Depuis vendredi, les Français