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déterminer celle-ci à participer à l’offensive ; 4° assurer le mouvement en commun avec la garnison de Paris qui lui donne « la supériorité numérique dans la zone choisie pour le principal effort. »


V. — OÙ S’ARRÊTERA LA RETRAITE ? — LE TERRAIN.

Le massif de Saint-Gobain étant perdu, la retraite vers le Sud, et non vers Paris étant décidée, en quel point le général français devait-il caler ses troupes pour être en mesure de reprendre l’offensive avec le plus de chances de succès ?

A cette question la nature répond avec une autorité sans seconde : le bassin de la Seine, qui sera toujours le champ de bataille pour Paris, n’est rien autre chose que l’ancien fond du golfe de Seine adossé aux vieilles formations géologiques de l’Ardenne, de l’Argonne, du plateau de Langres et du Morvan. On peut dire, en gros, que le bassin forme un vaste hémicycle s’ouvrant sur la mer et remontant, par pentes et gradins successifs, jusqu’aux hauteurs qui forment la carrasse solide de la France. Cet hémicycle est orienté vers le Nord-Ouest. La masse des gradins qui le composent trace sa courbe inférieure d’après une ligne Montereau-Nogent-sur-Seine, Troyes, Vassy, se continuant vers le Nord Est par Bar le-Duc, Revigny, Grandpré.

En avant de cette masse, se projettent quelques gradins avancés qui descendent sur le cirque ou sur l’arène : ces gradins détachés sont déterminés par les hauteurs bordant les vallées du Grand-Morin, du Petit-Morin et de la Marne. C’est sur le premier de ces gradins que, pour les raisons que nous allons indiquer, Joffre a choisi le point de départ de son offensive : il s’arrête sur la ligne des deux Morins : Coulommiers, la Ferté-Gaucher, Esternay, Fère-Champenoise, Vitry-le-François.

Le golfe de Seine ne présente, de la mer à son ancien rivage, qu’un seul obstacle, un seul barrage avant le premier gradin de l’hémicycle : c’est le double massif de Roye-Lassigny-Saint-Gobain, c’est-à-dire le rebord déterminé par la coupure de l’Oise. Ce barrage une fois franchi, la vague d’invasion déferle dans la vaste plaine de Champagne et, ayant dépassé Paris, elle n’a plus qu’à balayer le golfe de Seine et à en chasser les armées qui l’occupent pour revenir sur la capitale isolée comme un rocher battu des flots.