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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Que la Conférence de la paix ne se lasse pas d’en faire le tour ou que le Conseil suprême de la guerre l’aborde directement, le point central de tout ce qui s’agite, se passe et se prépare est toujours la question allemande. L’Assemblée nationale s’est réunie à Weimar le jeudi 6 février. Afin que nul ne pût se méprendre sur les intentions qui l’avaient fait convoquer en ce lieu, on avait distribué à tous les députés cet avertissement attendrissant, mais encore de style militaire : « La lutte est finie, la lutte commence. Les armes d’airain s’arrêtent, les armes de l’esprit s’entrechoquent. Nous vous appelons au combat. Nous voulons créer du nouveau, nous voulons construire du nouveau. Nous voulons construire un nouvel État : un empire de l’esprit, un empire de l’esprit de Weimar. L’aurore de la Prusse s’est éteinte dans le fracas des canons de la guerre. Un nuage noir arrête nos regards ; une seule lumière brille au loin ; une seule voix se fait entendre : voix de l’idéalisme de Weimar. Aujourd’hui, à l’heure de l’ouverture des travaux de l’Assemblée nationale, toutes les cloches d’Allemagne se mettront à sonner. Les diplomates neutres sont invités à cette séance historique. » En même temps, et par une coïncidence curieuse, un certain nombre de professeurs et de publicistes découvraient qu’Emmanuel Kant était non seulement le plus grand, mais le plus représentatif des Allemands. Tout à coup, l’Allemagne oubliait qu’elle avait été la chose des Hohenzollern et de Bismarck, et ne sentait plus vivre en elle que l’âme du poète et du philosophe. Elle allait à Weimar y retrouver Goethe. Le malheur avait accompli ce miracle, qu’on annonçait au son des cloches et que « les diplomates neutres » étaient appelés à venir constater. Un tel changement, comme cela, si vite ! La « déprussianisation « subite de l’Allemagne, c’eût été la vraie révolution. Il valait mieux n’y pas