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Cette « vie d’une femme » est celle d’une pauvre fille, chassée de chez elle par la jalousie d’une sœur au cœur sec qui l’a traîtreusement acheminée vers la faute, et se montre impitoyable lorsque, après avoir été séduite et abandonnée, la coupable tente de rentrer au logis. Condamnée à la vie errante, Marie déchoit jusqu’à devenir la servante d’un couple louche qui tient un beuglant dans un port. Elle se résignerait à son sort, si, un soir, devant la porte du concert, entre deux flonflons, le patron, M. Victor, ne lui prenait la taille un peu trop brutalement. Furieux de se voir repoussé, ce Lovelace de café-chantant se venge sur-le-champ en congédiant son rival, le jeune violoniste Fernandez, qui, lui aussi, fait la cour à Marie. Une rixe met aux prises les deux hommes, Un couteau brille dans la nuit. Mais le cri d’amour de Marie suffit à apaiser Fernandez, qui s’enfuit avec elle, tandis que le gros Victor sanglote.

Au tableau suivant, nous retrouvons Fernandez et Marie à bord d’un navire qui fait route vers Sidney. Une ombre attriste le bonheur de la jeune femme. Car Fernandez se montre plus assidu qu’il ne faudrait auprès d’une jeune et belle passagère, Cornélia. Ce flirt inquiète Marie et l’affole même au point qu’elle songe un instant à se jeter par-dessus bord. Mais, sur ces entrefaites, la tempête se déchaîne. Le navire est désemparé. Panique, sauve qui peut, coups de feu tirés par des énergumènes décidés à se frayer coûte que coûte un passage... Marie et Cornélia, à ce moment critique, s’affrontent et se défient en un rapide colloque. Chacune d’elles revendique l’amour de Fernandez. Mais un geste les départage : le jeune homme survient et s’élance vers Marie. C’est elle, elle d’abord, qu’il a voulu sauver.

Quelques années après, au seuil de la chaumière familiale d’où Marie a naguère été chassée, une enfant vient rôder. C’est la fille de la pécheresse maltraitée. La sœur de Marie, repentante, suit l’enfant et ramène l’exilée. Malade, à bout de souffle, celle-ci a tout juste la force de pardonner avant de mourir.

A ce drame candide et édifiant, l’excellente troupe de l’Odéon, M. Desjardins en tête, s’essaie à donner un souffle de vie. Mme Falconetti dans le rôle de Marie, M. Grétillat dans le rôle du patron Victor, M. Yonnel dans celui de Fernandez, Mlle Guéreau qui fut une Cornélia férocement coquette, méritent d’être cités pour leurs louables efforts.


RENE DOUMIC.