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jamais été en danger. Elle aimait Pascal sans le savoir ; maintenant elle sait qu’elle l’aime ; et c’est toute la différence.

J’ai dit le brillant succès de cette jolie piécette. La critique a été unanime à en faire l’éloge. Mais il s’est produit ù ce sujet un malentendu assez amusant, et curieux à signaler, quoiqu’il soit peut-être moins rare qu’on ne serait tenté de le croire. C’est qu’on a loué le Sourire du Faune pour d’autres mérites que ses mérites réels. Parce que la pièce est en vers, et que des jeunes gens amoureux et de doux vieillards s’y entretiennent au pied d’un mur revêtu de lierre, on en a aussitôt conclu que c’était la veine de Musset et de Rostand, on en a loué la fraîcheur et la grâce printanières. Ce n’est pas tout à fait cela. Si le printemps souffle à travers cette pièce, on vient de voir que c’est à la façon dont il est le coquin de printemps. Et il me semble bien que l’auteur avait pris soin de nous avertir, rien qu’en choisissant ce titre : le Sourire du Faune.

Un rapprochement s’impose ; mais c’est avec la littérature amoureuse de l’époque alexandrine, depuis les menus chefs-d’œuvre de L’Anthologie jusqu’à Daphnis et Chloé et à ce Théagène et Chariclée, d’ailleurs si ennuyeux, où le jeune Racine, à Port-Royal, savourait l’attrait du fruit défendu. Ou, pour ne pas remonter si loin, il nous suffira de citer les petits poètes du XVIIIe siècle et leurs « Arts d’aimer, « qu’ont certainement lus et retenus et le docte François et le galant jardinier. C’est à cette lignée qu’appartient le Sourire du Faune, comme il semble que Rose ait dérobé aux modèles de Greuze le secret de leur ingénuité coquette et de leur ignorance renseignée.

La pièce de M. Rivoire est très agréablement jouée, et ses vers sont très médiocrement dits par MM. Denis d’Inès, Dorival, Roger Gaillard et Lafon et par Mlle Nizan.

J’ignore absolument pour quelles raisons la Comédie-Française s’est annexé la Cruche de MM. Courteline et Pierre Wolff. C’est une pochade, qui a le tort initial d’être en deux actes et qui, menée tambour battant par des acteurs de vaudeville, fait peut-être rire ; mais guindée, empesée et traînée en longueur par les sociétaires de la Comédie-Française, elle parait interminable et lugubre.


M. Saint-Georges de Bouhélier vient de donner à l’Odéon une pièce naïve et compliquée, qui vise à la profondeur et n’est en réalité qu’un mélodrame à gros effets, écrit, semble-t-il, par quelque disciple de d’Ennery troublé par des ressouvenirs de Tolstoï et de Maeterlinck.