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L’homme n’est ni ange, ni bête. Et, ses héros les plus aimés, M. Pierre de La Gorce veille à ne pas leur attribuer toutes les perfections. Lescure lui-même, si réfléchi, honnêtement sage, si dévoué, c’est un entêté pourtant ; il a l’esprit un peu étroit. Les prêtres insermentés, les réfractaires, ce sont des gens qui préfèrent à leur sécurité une fidélité dangereuse. Un grand courage les distingue. Ils ont des moments de faiblesse pourtant : quelques-uns allèrent à la défaillance, comme certains jureurs se repentirent. Ce sont, pour la plupart, des hommes un peu ignorants : et qu’importe ? des hommes un peu négligents hier et que surprend l’occasion d’être énergiques. Auprès de Jésus à l’agonie, les apôtres qui s’endorment signifient la pauvreté des âmes les meilleures ; dans les mois de la plus dure tribulation catholique, ces derniers défenseurs du catholicisme, les réfractaires, ont parfois des langueurs et de médiocres timidités. Mais voyez-les. On les traque. Ils savent le sort qui les attend : c’est la mort. Ils accomplissent le devoir de leur ministère. Dire la messe est une audace que l’on paye sur l’échafaud. Ils n’en disent pas moins la messe : en Flandre, c’est dans une ferme écartée ; ceux du Forez, dans les bois ; ceux du Velay, dans une maison délabrée ; ailleurs, c’est dans une bergerie, une grange, au pied d’un calvaire, avant l’aube. Des planches en forme de table ou un tronc d’arbre sont l’autel. « On y dépose l’ardoise consacrée que l’officiant porte avec lui. Un calice en étain, un crucifix, un missel, deux verres figurant les burettes, quelques hosties, un peu de vin, telle est la pauvreté sainte. Deux cierges s’allument, mais tout petits, de crainte d’une lueur accusatrice. Deux ou trois hommes font le guet, choisis parmi les plus robustes, les plus fidèles et aussi parmi ceux dont l’œil pénétrant sait percer l’obscurité. » Un double silence, par le recueillement et la précaution. Puis le saint sacrifice déroule ses péripéties. Le prêtre dit : « Je m’approcherai de l’autel de Dieu. » Il se tourne vers l’assistance et : « Que Dieu soit avec vous ! » Il ne faut pas faire de bruit ; « et le Gloria in excelsis ne se chante que dans les âmes. » A l’évangile, on se lève, « geste de routine jadis et qui maintenant semble dire ; Debout les chrétiens, debout dans la constance et jusque dans la mort ! » Après le saint sacrifice, les fidèles s’approchent du prêtre, qui à voix basse et intime leur parle de Dieu, de la bonne mort à désirer, de la mauvaise mort à détester... « Et tandis qu’il parle, ceux qui l’ont connu s’étonnent. Au jour de la prospérité, il était un peu vulgaire, tout alourdi de soucis humains, tout enchevêtré de comptes pour son casuel et sa dîme, avec des langueurs dans le service de