commode. Mais, une fois que l’on s’est procuré les matériaux, l’on a tort de dire ou de se figurer qu’ils ne peuvent servir qu’à une seule architecture : avec les mêmes matériaux, l’on édifie un temple, si l’on veut, ou le palais du peuple ou une maison de fous. Depuis un demi-siècle que fut inventée, non la méthode, mais la superstition de la méthode, en histoire, et depuis qu’on appelle sciences les différentes études qui autrefois gardaient une excellente modestie, beaucoup de théoriciens prétendent imposer à l’histoire une rigueur dialectique ou à peu près géométrique. A les croire, les faits seraient les prémisses du théorème : et l’historien conclurait.
Cette conception de l’histoire est saugrenue : quel échantillon des idoles prétentieuses dressées par les glorieux farceurs de la science ! Comme les matériaux de granit, de brique ou de marbre n’exigent pas d’entrer dans la construction d’un temple, d’un palais ou d’un asile, les faits ne vont pas d’eux-mêmes, et sans qu’on les conduise, à une conclusion d’athéisme ou de foi. Les faits sont de plus humble caractère : et l’on méconnaît leur indifférence naïve. Les faits que l’érudition la plus attentive recueille, touchant l’histoire des prêtres et des personnes pieuses pendant la Révolution, peuvent servir à célébrer le triomphe de la libre-pensée ou l’éternité invincible de la croyance. Il n’est pas vrai que nul fragment de l’histoire enseigne ou démontre l’existence ou la non-existence de Dieu. Et M. Pierre de La Gorce ne le dit pas.
Mais il y a d’autres raisons de croire ou de ne pas croire. La preuve de Dieu n’est pas au bout d’un récit ; non, pas plus qu’elle n’est au bout d’un syllogisme. Quand saint Anselme a formulé cet argument très ingénieux que l’on appelle « ontologique, » il n’entendait pas offrir aux mécréants une preuve : il dédiait à sa croyance l’effort de sa dialectique. Pareillement, l’Histoire religieuse de la Révolution française n’est pas du tout, ce qui prêterait à la risée des esprits forts, un théorème clérical. Tout simplement, et avec la plus intelligente et loyale estimation des possibilités, un croyant, sûr de ses croyances, mais pour des motifs étrangers à l’œuvre qui l’occupe, raconte les événements selon leur vérité : les événements ne contredisent point à ses croyances. Même, les événements se prêtent à ses croyances, venues d’ailleurs : dont il se réjouit. Aucune idée de l’histoire n’est plus honnête, parfaitement pure et belle.
L’épisode le plus extraordinaire de cette Histoire est l’aventure vendéenne. M. Pierre de La Gorce l’a étudiée avec un soin méticuleux. Et qui aime-t-il, en cette aventure ? Les Vendéens, les mainteneurs