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volonté divine ; ou bien, c’est une épreuve de qualité divine ; ou bien encore, c’est le débat de l’animalité humaine ou des présomptions humaines contre la vérité divine. Dieu est toujours là : le Dieu des chrétiens et des catholiques, suivant leur foi totale et minutieuse. Regardée de cette façon, l’histoire n’apparaît plus comme un désordre monstrueux, même l’histoire de la Révolution, même l’histoire de la Terreur. Le désespoir que je disais que l’on éprouve à remuer tout le passé de la souffrance tourne aux méditations les plus poignantes et enfin les plus sereines. Bénies soient les idées qui purifient l’histoire, lui donnent un sens, la dégagent de l’absurdité, permettent aux hommes de se retourner vers leurs siècles morts sans honte et sans dégoût !

Mais alors, si vous êtes chrétien, si vous êtes catholique et le dites et, en quelque sorte, l’affichez, comment serez-vous impartial, dans le récit d’une révolution qui met aux prises le catholicisme et la libre-pensée ? Les historiens de gauche, là-dessus, poussent des cris : « Il y a, répond M. Pierre de La Gorce, l’impartialité qui nait de l’indifférence. Celle-là, je n’ai ni l’espoir ni le désir d’y atteindre ; et, en racontant les épreuves chrétiennes de nos pères, je n’ose assurer que mon cœur ne vibre jamais de leurs souffrances pour l’Église et pour Dieu. Si, au début de ce livre, je promettais d’être impassible, je risquerais de tromper tout à la fois les autres et moi-même, deux sortes de faussetés pareillement haïssables. Il y a une autre impartialité : celle qui réside, non dans l’abdication de la pensée personnelle, mais dans le strict respect de la vérité ; celle qui consiste à ne jamais altérer un fait, dût ce fait déplaire, à ne jamais mutiler un texte, dût ce texte être importun, à ne jamais défigurer sciemment les traits d’une âme humaine, cette âme fût-elle celle d’un ennemi. C’est cette grâce d’impartialité supérieure, c’est ce don d’intégrale justice que je demande à Dieu de m’accorder, comme une émanation de sa lumière, comme une faveur de sa bonté. » Vous êtes avertis : l’auteur achève en prière sa promesse de vérité. Plusieurs historiens de gauche ont dissimulé davantage et leur doctrine et les sacrifices qu’ils devaient lui consentir.

Bref, il y a, en histoire, les faits et leur interprétation ; les faits qui sont les matériaux de l’histoire ; et l’interprétation qui, pour continuer l’image, en est l’architecture. Avec de mauvais matériaux, l’on ne bâtit rien qui vaille. Et il faut dénigrer ces historiens de néant, qui ramassent les faits n’importe où, ne les contrôlent pas, ne cherchent pas les meilleurs, emploient ce qu’ils trouvent de plus