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LA
PASSION DES INNOCENTS

Quelques années avant la guerre, nous voyagions en Allemagne. A Munich, un Herr Professor, notre voisin à l’hôtel, tenta à plusieurs reprises de lier connaissance. De grosses lunettes, des cheveux grisonnants lui donnaient un air respectable. Croyant gagner notre bienveillance, il nous adressa sur la France et ses habitants, des compliments que leur excès même rendait suspects. Lui ne s’en doutait pas et, craignant peut-être que la fumée de ses louanges ne nous montât au cerveau, il voulut, un jour, apporter lui-même un correctif. à ses discours flagorneurs :

— Oui, fit-il, — les Français sont charmants, aimables, séduisants et subtils, mais, outre qu’ils manquent de sérieux, ils sont égoïstes. Voyez, pour ne pas gêner vos aises, la famille, chez vous, est réduite au minimum...

En manière de comparaison, tout gonflé de vanité, il parlait alors de l’ « admirable » famille allemande et, louant de manière hyperbolique le « bon cœur, » la sensibilité de ses compatriotes, il concluait avec un sourire paterne :

« Nous autres Allemands, nous aimons les enfants. »

Que de fois cette phrase m’est revenue à la mémoire quand des enfants des régions occupées m’ont fait le récit des traitements que nos ennemis leur avaient infligés !


« Ils ont pris des garçons de quinze ans qui n’avaient pas onze ans au moment de la guerre, afin de les contraindre