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mais à l’étude, semblent donc fournir une approximation très suffisante de nos possibilités. C’est pourquoi je parlais tout à l’heure de 3 à 4 millions de chevaux. Je serais d’autant plus tenté de voir là un maximum pour une après-guerre même lointaine que, dans beaucoup de ces études préliminaires, on néglige certains points de première importance : d’abord, techniquement, les difficultés d’ordre géologique que peut comporter l’établissement d’un barrage durable ; puis les inégalités et les irrégularités du débit, avec les chômages qui doivent en résulter ; enfin et surtout la difficulté de vendre ou d’utiliser les chevaux-vapeur produits au fond d’une chaîne montagneuse. Cette difficulté existe pourtant, étant donnés les applications encore restreintes de la houille blanche en électrochimie ou électro-métallurgie, l’impossibilité de s’en servir toutes les fois que l’on a besoin de mobilité et les crises de surproduction qui risquent d’en résulter au lendemain de la paix.

La houille blanche a de si chauds partisans et suscite, en ce moment, de tels dithyrambes que, tout en partageant soi-même en grande partie cet enthousiasme, on est plutôt tenté d’insister sur quelques points faibles que sur les avantages trop connus et trop célébrés. Il existe une tendance à aligner d’un côté les besoins de la France en énergie, de l’autre ses ressources en houille blanche ou noire que l’on additionne sans restrictions et à établir la balance. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Nos industries du Nord, nos chemins de fer du Nord et de l’État, notre métallurgie ne vont pas se contenter demain de houille blanche. Celle-ci a son rôle tout indiqué, encore très large, mais cependant plus restreint, dans le bassin du Rhône, le Plateau Central et les Pyrénées. Le bassin du Rhône en particulier, si on y établit en même temps une communication fluviale avec la mer, parait, appelé à prendre de ce chef un développement intense, qui est déjà commencé et que la découverte de la houille dans la plaine lyonnaise peut favoriser. Mais, là même, pour que la houille blanche prenne toute la place à laquelle elle a droit, il faudra du temps. L’ascension d’un procédé comme d’un produit industriel ne se fait guère suivant une pente continue. Elle est coupée de larges paliers, où le producteur trop pressé doit attendre en se morfondant, parfois même en rebroussant chemin, son associé, le consommateur, qui s’essouffle. La guerre a fait gravir avec une rapidité