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abstraction de quelques gisements insignifiants, le cas pour presque tous les grands pays européens, sauf la Russie, l’Autriche-Hongrie et la Roumanie. La Grande-Bretagne et l’Espagne ne produisent pas un titre de pétrole ; la France, qui était dans le même cas, reste réduite à la faible production de l’Alsace et de l’Algérie ; ce qu’on peut extraire d’huile minérale en Allemagne ou en Italie est hors de toute proportion avec les besoins. Les conséquences se devinent, et la guerre les a soulignées. Rappelons-les pour les principaux pays, en montrant aussitôt les mesures qui ont été prises ailleurs pour parer au danger.

Dans les premiers temps de la guerre, l’Allemagne a passé, à cet égard, par une phase très critique, quand les champs pétrolifères d’Autriche ont été envahis ; mais, à cette époque, elle n’était pas encore en guerre avec la Roumanie ; puis, quand la Roumanie est devenue hostile, le pétrole autrichien a été récupéré ; bientôt, celui de Roumanie a été conquis et, plus tard, celui de Russie a paru s’y adjoindre. Malgré la très habile destruction des puits roumains et l’anarchie russe, l’Allemagne s’est donc crue, pour le pétrole, tirée d’affaire. Dans le traité qu’elle avait imposé à la Roumanie, elle s’était tout particulièrement attachée à s’assurer la possession complète des pétroles roumains. Aujourd’hui, la Roumanie lui échappe de nouveau ; mais elle compte encore sur l’appui de ses amis les Bolcheviks et sur les tergiversations de la politique alliée pour garder, sous sa dépendance, les pétroles russes dont les chances d’extension géographique restent très vastes.

L’Angleterre s’est occupée officiellement de cette question, avant la guerre, avec son esprit de décision habituel, dès le jour où elle a envisagé l’adoption des moteurs à huile lourde pour sa marine de guerre. En juin 1914, on a eu la surprise de voir l’Amirauté anglaise acheter, pour un bon nombre de millions, des champs pétrolifères situés aux confins de la Turquie et de la Perse. La campagne heureuse de Mésopotamie, qui a conduit l’armée anglaise à Bagdad, a été directement influencée par l’intérêt capital de ces gisements. Enfin, depuis le début de la guerre, le gouvernement anglais s’est tout particulièrement occupé de s’assurer les pétroles des possessions anglaises, notamment ceux de la Birmanie. Dans ces conditions et avec la puissance maritime qui lui permet d’aller chercher le pétrole disponible