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capitaux réels et ne reposant pas uniquement sur l’exagération du crédit. Quand nous voulons nous procurer de la force pour nos industries, la question que nous nous posons n’est pas seulement à résoudre d’une manière absolue dans un laboratoire : sous cette forme, elle est toute tranchée d’avance. L’homme a, pour longtemps encore, et probablement pour toute la durée de son séjour terrestre, jusqu’à, ce que le soleil soit éteint et la terre refroidie, de la force disponible en quantités ires suffisantes. Mais cette énergie peut se présenter à lui sous une forme plus ou moins avantageuse et, entre les diverses formes, il est amené à choisir suivant les circonstances et les temps. Dans la concurrence industrielle entre les nations comme dans la lutte entre les individus, posséder de la force à meilleur compte est un des principaux éléments de supériorité. En obtenir seulement dans des conditions qui entraînent un prix de revient supérieur au prix de vente, c’est être dénué de tout. L’industriel ne saurait envisager l’achat de tel ou tel moteur, de tel ou tel combustible d’après des principes théoriques, ou d’après l’avantage général. A moins d’avoir intérêt à créer une industrie nouvelle à côté de la sienne et de pouvoir le faire, comme les métallurgistes qui achètent une mine de houille ou une chute d’eau, il est simplement amené à établir son choix d’après des calculs de prix de revient fondés sur les conditions déjà existantes, qui, elles-mêmes, sont, plus souvent qu’on ne le croit, logiquement déterminées par tout un ensemble de circonstances très complexes et difficiles à modifier sans beaucoup d’efforts, de capitaux et de temps. On saisit là une erreur qui est très fréquemment commise par les inventeurs et même par les gouvernants. Les premiers constatent qu’une force naturelle n’est pas utilisée, par exemple la chaleur solaire ou les marées ; ils combinent un système plus ou moins ingénieux, plus ou moins nouveau, pour en tirer parti et, lorsqu’ils y ont réussi, ils accusent la routine qui s’oppose à leur succès. De même, il arrive que des hommes politiques découvrent l’existence en France d’une force utilisable, telle qu’un mauvais charbon, un schiste bitumineux ou le courant d’un ruisseau, alors que nous achetons du charbon ou du pétrole à l’étranger et ils en déduisent la nécessité d’établir des droits d’entrée prohibitifs pour assurer l’emploi de nos ressources nationales. La conséquence, dans les deux cas, est pareille ;