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La France peut et doit se montrer généreuse. Il est inadmissible qu’on l’y contraigne. Le principe de la souveraineté nationale ne saurait s’accommoder de ces durables interventions étrangères. Les Alsaciens-Lorrains n’attendent donc pas le respect de leurs croyances et de leurs traditions d’un traité : ils ont le légitime espoir que leurs Compatriotes sauront sauvegarder leurs intérêts sans aucune pression Amenant du dehors. Il s’agit là de confiance mutuelle entre membres d’une même famille, et non pas de solennels accords entre Puissances traitant d’égal à égal.

Une dernière remarque. La question religieuse a, pendant la guerre, joué un rôle capital. Si, dans plusieurs pays neutres, la France a trouvé si peu de sympathies, malgré la justice de sa cause, si, même dans les nations alliées, des minorités bruyantes lui ont fait une opposition que rien ne désarmait, c’est surtout parce que le souvenir de son anticléricalisme officiel s’opposait à des rapprochements qui, sans lui, se seraient infailliblement produits. Or, nous retrouvons les mêmes préjugés à l’heure actuelle dans les contrées où, sans cela, l’opinion publique nous faciliterait, non pas des annexions mais le libre retour à la France victorieuse, de peuples qui, jadis lui avaient appartenu. Les catholiques luxembourgeois, (et ils forment la majorité dans leur pays, ne sont partisans de l’autonomie de l’ancien Département des Forêts, que parce qu’ils redoutent l’introduction chez eux des lois antireligieuses. Et dans la province rhénane également, où toutes les vieilles sympathies françaises revivent aujourd’hui, comme aussi les vieilles haines pour la Prusse orientale, le grand obstacle à un plébiscite spontané en faveur de la France se trouve dans la législation « laïque » de l’ancienne patrie.

« Périsse le monde, plutôt qu’un principe ! » diront les anticléricaux impénitents. Théorie simpliste qui ne conduit qu’aux pires déconvenues. Les lois doivent s’adapter aux besoins du pays. Or ces besoins varient, surtout lorsqu’il s’agit de territoires qui, pendant de longues années, ont été régis par un droit étranger. Il est de la plus élémentaire sagesse, dans ce dernier cas, de ne pas sacrifier des intérêts divergents à un besoin d’unification hâtive et inconsidérée.


E. WETTERLÉ.