Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Weiler, ont défendu la thèse du rapprochement nécessaire.

Toujours est-il que, régulièrement, la France devrait déjà être représentée à la cour romaine. En effet, d’après les conventions de la Haye, les lois locales doivent être appliquées par l’occupant, dans les territoires qu’il administre. La France n’a pas cherché à se dérober à cette obligation en Alsace-Lorraine. Or, le Concordat fait loi dans les deux provinces occupées, et ce Concordat ne peut jouer normalement que si les deux pouvoirs s’entendent. Donc, la conversation devrait être engagée, et cela, même sans intervention des Chambres, puisqu’il s’agit en l’espèce de l’exécution pour ainsi dire automatique de conventions internationales.

Ce raisonnement n’a rien de scolastiquement spécieux. Il est évident que le gouvernement français ne pourra pas obtenir du Saint-Siège la retraite volontaire des évêques allemands de Strasbourg et de Metz, s’il se refuse à toute conversation. La situation présente est théoriquement intenable. Une cure devient vacante dans un des deux diocèses alsaciens-lorrains. L’évêque ne peut procéder à la nomination du nouveau curé qu’avec l’agrément du gouvernement qui, par ailleurs, ignore et veut ignorer la convention qui lui confère le droit de nomination. On vit donc en pleine illégalité.

Mais, objecte-t-on encore, une représentation auprès du Saint-Siège, même limitée à l’Alsace et à la Lorraine, pourrait entraîner des conversations d’ordre plus général. Le grand mal vraiment ! Il ne m’appartient i)as de préjuger des intentions du Pape, mais est-il bien sûr que l’Eglise ne s’accommoderait pas de la loi de séparation., si celle-ci était soumise à des retouches, dont la nécessité s’impose ? Et, du jour où ces transformations, qui n’atteindraient en aucune manière le principe même de la loi, auraient été réalisées, l’exception faite pour l’Alsace et la Lorraine ne pourrait-elle pas, sans inconvénient, disparaître ? Quel beau cadeau nos deux provinces feraient à la Mère Patrie, si leur retour rendait à celle-ci la paix religieuse !

D’aucuns ont proposé de faire garantir aux Alsaciens-Lorrains l’exercice de leurs libertés et de leurs propriétés ecclésiastiques actuelles par les gouvernements alliés et ont invoqué, pour appuyer leur thèse, certains précédents historiques. Personnellement j’y verrais les plus grands inconvénients.