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traversées de sanglots étouffés, trouvaient-elles un écho émouvant dans nos cœurs français. Mais ce ne fut qu’au moment où, salué par le vicaire gênerai l’abbé Pelt, en termes brefs et nobles, le maréchal, au son de l’orgue et aux accents du Te Deum, s’en vint, toujours grave et simple, s’arrêter, tout droit, devant le tombeau de l’évêque protestataire, qu’on eut l’impression la plus haute, la plus pure et la plus pathétique et, en dernière analyse, la plus juste de toute cette fête empruntant au caractère de cette ville de soldats et de prêtres une allure, — le mot fut dit, — de « sacrement. »


METZ EN LIESSE

La brume légère qui avait enveloppé toutes ces scènes, s’était, vers 3 heures, faite d’un bleu plus foncé sur la place d’Armes et il sembla qu’à la sortie du sanctuaire, le maréchal se fût évanoui dans la nuit tombante, car on ne le vit plus. Mais de même qu’après certaines fêtes religieuses, les enfants, par une réaction naturelle, se livrent à de bruyants jeux profanes, soudain Metz s’allumant de mille feux sembla secouer sa « dévotion : » le Poilu qui, lui, n’est mystique ni dévotieux, sortait, le temps étant venu de rire après avoir pleuré, Colette Baudoche et toutes les Colettes de leurs rêves pieux. Le fracas des cuivres, lancés à travers toutes les rues de la Cité, donna le signal de la jolie fête. Tandis que s’allumaient les lampions tricolores et que de leurs reflets la forêt des drapeaux s’éclairait, la retraite aux flambeaux apparut qui serpenta une heure à travers le dédale des rues messines : c’était un joli pêle-mêle de soldats bleus, de jeunes étudiants et surtout de petites Colettes, des centaines, portant le costume seyant que, pour s’affirmer, les petites Lorraines ont adopté, et les charlottes blanches les plus coquettes du monde. La connaissance se fait entre Gaspard et Colette, les longues bandes, bras dessus bras dessous, tiennent à la vérité facilement la largeur des rues : du reste Colette n’a nullement jeté sa charlotte par-dessus les moulins ; pépères et bleuets se reprocheraient d’être trop entreprenants, j’entends vilainement, — et Colette a un petit rire, clair, honnête, confiant, que justifie l’attitude du poilu. Les cavaliers, porteurs de torches, sont d’un superbe effet en ce lacis du vieux Metz ; les fantassins, utilisant leurs pistolets lance-fusées, font de la