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pour revenir très vite sur la terre, où le canon s’était mis à gronder : le bronze de la Mute et celui des canons signalaient que le général en chef des armées françaises franchissait la barrière de Metz, et de toutes paris la foule refluait vers l’Esplanade où, devant Ney, Mangin, entrant à la suite, devait présenter les troupes à Pétain.

Un maréchal de France félon avait livré Metz : il avait sans doute paru qu’il fallait qu’un maréchal de France, un des plus beaux soldats de notre histoire, lui vînt rapporter la Patrie. Avant que Pétain apparût, le bruit se répandait comme une traînée de poudre que le général en chef était, de la veille au soir, maréchal. Metz y vit une attention, ou s’en flatta. En revanche, la déception fut singulière, que causait l’absence de Mangin à ses côtés, Mangin, enfant de la cité et qui, depuis Saint-Cyr, avait juré qu’il passerait sous la porte Serpenoise : le Destin, jaloux d’un homme si constamment heureux (pour notre fortune), en avait décidé autrement ; on déplorait un accident qui dérobait à ce vaillant Lorrain la joie de goûter un des fruits les plus savoureux de ses victoires. À la vérité, on disait dans Metz : « Mieux vaut que, s’il devait arriver, cet accident se soit produit aujourd’hui que le matin du 18 juillet, » et, le soir, un homme d’esprit ajoutait : « Son cheval a succombé sous le poids des lauriers. »

Le maréchal Pétain parut dans le large faubourg, plus beau en sa simplicité que nous ne l’avions jamais vu. Le vainqueur de Verdun entrait à Metz : la Fortune faisait, là comme ailleurs, au mieux les choses, et la solennité de l’entrée de la France à Metz en était augmentée. Je me rappelais cette soirée du 26 février 1916, où sous la neige volant dans l’air glacé, je l’avais vu arriver à la mairie de Souilly, tandis que, dans toute l’armée de Verdun en mauvais arroi, on se passait de bouche en bouche la rassurante nouvelle : « Pétain arrive ! » Ce qui m’avait alors frappé, chez le nouveau venu, c’était cette simplicité de tenue et d’allures qu’une dignité marmoréenne, voilant la bonté la plus profonde, préservait de toute tentative de familiarité. À peine était-il d’aspect plus pompeux en entrant à Metz : ample manteau bleu couvrant du col aux pieds la tenue, si bien que pas une plaque ni même un ruban ne s’apercevait ; ses yeux bleus, où passait seulement de temps à autre une lueur de joie, fixaient la foule avec une bienveillance