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du monde, c’est une France mise définitivement à l’abri des provocations et des attaques. Nous qui, pendant quarante-quatre ans avions fait silencieusement au maintien de la paix les plus douloureux sacrifices, nous savons par une expérience plusieurs fois séculaire que le monde ne sera pas tranquille tant que les Allemands pourront accumuler à nos portes les moyens d’agression. Nous avons été trop souvent envahis pour ne pas veiller toujours... Ce serait un crime contre vos idées que de fermer les yeux aux orages qui les peuvent assaillir. L’oubli n’est pas seulement une insulte au passé, c’est une menace pour l’avenir, c’est une immoralité et une dépravation. »

Dans sa réponse, M. le Président Wilson a montré que cet aspect de la situation ne surprenait pas en lui un homme non averti : « La France, a-t-il reconnu, se tient toujours debout sur la frontière. La France reste encore en présence de ces problèmes menaçants et non résolus. Elle reste dans l’attente de la solution de questions qui la touchent directement, intimement et incessamment. Et si elle reste seule, que doit-elle faire ? Elle doit rester constamment année, elle doit laisser peser sur son peuple, sans arrêt, le fardeau de l’impôt. Elle doit faire un sacrifice qui peut devenir intolérable. » Ce qui a conduit l’orateur à conclure : « Les dirigeants du monde savent maintenant que le seul moyen d’arriver à donner aux hommes la sécurité de leurs foyers, est de rendre inévitable que le même fait qui s’est produit aujourd’hui (le concours de toutes les nations à la défense de la cause commune) se reproduise toujours, et qu’il n’y ait là-dessus ni doute, ni attente, ni remise, mais que, chaque fois que la France ou tout autre peuple libre se trouve menacé, l’univers entier se dresse pour défendre sa liberté. » — « C’est pour cette raison, je pense, a ajouté M. Wilson, que je rencontre en France pour la Société des Nations un enthousiasme intelligent et chaleureux. »

Qu’il nous soit permis, à ce propos, de faire ici une confession, qui sera celle de beaucoup de Français. Il fut un temps, encore proche, où nous eussions traité pour le moins de chimérique la Société des Nations, où peut-être même nous lui aurions appliqué une épithète plus sévère. L’état dans lequel cette guerre laisse le monde nous oblige à convenir que c’est dorénavant une nécessité, que le salut peut venir d’elle el, dans certaines conjonctures, ne pourrait venir que d’elle. Nourris comme nous l’étions du précepte qu’il vaut mieux fonder sa sécurité sur ce qui dépond de soi-même que sur ce qui dépend d’autrui, nous ne nous résignons pas sans