sa contre-partie dans la doctrine de Monroe. Si les États-Unis entendaient n’être pas mêlés aux querelles de l’Europe, ils n’acceptaient pas que les puissances européennes développassent leurs intérêts sur le continent américain, et cela suffisait pour caractériser la politique du gouvernement fédéral et l’esprit de jalouse indépendance dont elle s’inspirait.
Enfin, le profond idéalisme de la jeune âme américaine semblait avoir également échappé à l’observation allemande ; celle-ci n’était frappée que du développement économique du pays ; elle ne croyait pas à la sincérité de sentiments généreux chez ces républicains, dont cependant les seules traditions sont des traditions religieuses. — L’Amérique du Nord a été colonisée au XVIIe et au XVIIIe siècle, par l’Angleterre et par la France ; or, la nouvelle Angleterre est tout imprégnée de l’esprit des Puritains et les vallées du Saint-Laurent et du Mississipi gardent toujours le souvenir des missionnaires qui accompagnaient Champlain ou Cadillac. — L’âme américaine est encore marquée de l’empreinte qu’a gravée en elle la foi des premiers pionniers.
La religion, toute séparée qu’elle soit de l’Etat en Amérique, y est mêlée à tous les actes de la vie publique, et je n’ai jamais assisté aux États-Unis à une cérémonie qui ne fût précédée et suivie d’une prière. — Cet usage est significatif : il ne se maintiendrait pas s’il n’était pas conforme au sentiment intime de la Nation dont la conduite doit, suivant les paroles de Washington, être inspirée par la religion, la morale et le sens de la justice. — On saisit l’impression qu’ont pu produire dans un pareil milieu, des faits comme la mort de Miss Cavell ou le torpillage du Lusitania. — Dans les débats qui, en 1850, au Sénat de Washington, préludèrent de loin à la guerre de Sécession, le sénateur William H. Seward, reproduisant une parole de Channing, proclamait qu’il y avait une loi plus haute que la Constitution elle-même. C’est cette plus haute loi que l’Allemagne a cru ignorée de l’Amérique : sans doute, elle ne la connaissait pas elle-même.
Mais il était naturel que la politique d’isolement préconisée par Washington, jusqu’au jour où la conscience nationale se serait formée, subit l’influence des mouvements des partis et des vicissitudes de la politique intérieure. — Feu M. Reed, qui fut pendant longtemps le Président de la Chambre des représentants,