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saint. Puis le colonel, les officiers-adjoints et les commandants de compagnie sont appelés au quartier général de la division. Les ordres sont remis. La division va attaquer le lendemain 30, à sept heures du matin, sur le Plessis-de-Roye. Le lieutenant W… va enfin connaître la bataille de France.

Après le soldat pillard et l’officier fanfaron, il convient de montrer un autre spécimen de l’armée allemande, de l’âme allemande au printemps de 1918. Le carnet d’un sous-officier du 36e régiment (7e division de réserve), lui aussi désigné pour l’attaque du 30 mars sur le Plessis-de-Roye, nous révèle un compatriote de Werther, sentimental, se guidant aux étoiles et prêt à murmurer en s’orientant sur elles : « O Klopstock ! » philosophique et amoureux, s’attendrissant sur la mort d’une grenouille plus que sur les cadavres ennemis, prompt aux considérations générales et vagues, mais n’oubliant point la nourriture et ne tarissant pas de louanges sur les pommes de terre frites et la marmelade, confiant dans une Allemagne messianique et chargée de donner la paix au monde, au demeurant puisant la force de son cœur naturellement pacifique dans sa foi religieuse. Son état civil n’a pu être établi : on devine en lui un élève de l’Université de Bonn ou d’Iéna, il s’élève naturellement aux plus hauts concepts, il est porté à la rêverie et à la musique comme un Allemand de brasserie, mais son style n’est pas sans agrément ni son esprit sans élévation ; Donc sa division a été retirée du secteur de Champagne et mise à l’instruction à Saulces-Monclin. Là il est logé aux Tuileries.

Le 13 mars, commence le branle-bas général des armées allemandes : « Puisqu’il nous faut boire l’amer calice jusqu’à la lie, écrit-il sans enthousiasme, mieux vaut aujourd’hui que demain, car ainsi, plus tôt s’achèvera notre tâche… » Ses camarades montrent plus d’exubérance et se mettent à danser sur une musique de foire : « Malgré la longue durée de la guerre, la gaîté, comme je puis m’en rendre compte, reste la fidèle compagne de nos Feldgrauen, même dans les jours comme ceux-ci, où presque tous ont la mélancolie au cœur. »

Puis c’est le départ (14 mars), la nuit, pour l’offensive suprême. Perspective exaltante : « Chez nous le moral est plus qu’à l’enthousiasme. Pendant la marche, le soldat chante, mais, cette fois, quelque chose de tout particulier. On ne dirait pas qu’on va à la plus cruelle bataille que le monde ait jamais vue,