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dans la Grande-Bretagne. Pour elle, l’Angleterre s’est transformée ; par elle, l’Angleterre va se renouveler. Le gouvernement britannique n’hésite pas à vouloir qu’elle porte toutes ses conséquences, et, comme préface aux rénovations et innovations, il a procédé à une réforme électorale si vaste que jamais nulle part on n’en avait opéré une pareille. Vingt et un millions d’électeurs et d’électrices, — hommes et femmes, — ont été appelés aux urnes ; et, malgré le flot, malgré la nouveauté, la consultation s’est faite dans un calme absolu. La politique de guerre et de paix de M. Lloyd George en sort ratifiée et consacrée. L’Angleterre, comme toute nation, a ses plaies et ses épines : mais, dans la paix aussi bien que dans la guerre, elle se lance, avec une magnifique hardiesse, sur les routes de l’avenir. Elle démobilise aussi méthodiquement qu’elle avait mobilisé ; elle se réindustrialise aussi énergiquement qu’elle s’était militarisée. Cette faculté, cette rapidité d’adaptation, sera un des émerveillements de l’histoire, et si le mot « miracle » peut avoir sa place, c’est ici. La paix y trouve son meilleur gage. Quand on observe qu’au cours de ces quatre années de guerre, deux puissances colossales sont nées, la puissance militaire de la Grande-Bretagne avec ses dominions qui se sont affirmés de sa chair et de son sang, la puissance militaire et navale des États-Unis, il y aurait de quoi faire là-dessus bien des réflexions, si l’on n’avait vu dans le même temps s’accroître prodigieusement dans les deux hémisphères le sentiment du droit, de la justice et de la liberté. Mais, grâce à cet accroissement, on peut regarder sans crainte s’épanouir ces puissances qui ne veulent être que, sur elles-mêmes, des forces de renouvellement. Leur exemple est une leçon. C’est à ceux, hommes d’État ou peuples, qui ne l’en dégageraient pas, qui retourneraient et s’enfonceraient aux misères el aux sottises d’avant 1914, qu’il faudrait dire qu’ils ont su vaincre, mais qu’ils sont incapables de profiter de la victoire.


CHARLES BENOIST.


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