« Au cours des premières semaines de la guerre, jamais nous n’aurions pu faire ce que nous avons fait si les grands états-majors d’armée n’étaient demeurés comme des rocs dans la tempête, répandant autour d’eux la clarté et le sang-froid. Ils entouraient leurs chefs, sur qui pesaient les responsabilités les plus lourdes, d’une atmosphère de confiance saine et jeune qui les soutenait, les aidait. Ils gardaient dans le labeur le plus épuisant, au cours d’une épreuve morale terrible, une lucidité de jugement, une facilité d’adaptation, une habileté d’exécution d’où devait sortir la victoire. »
Constance, fermeté de l’esprit, foi : voilà les vertus au service de l’habileté technique. Plus on étudie l’histoire militaire, mieux on apprend qu’une armée est battue non point parce que son adversaire est plus fort ou commandé avec plus de génie, mais parce qu’elle porte en elle-même les raisons du désastre. La défaite et la victoire sont pour ainsi dire des événements d’ordre intérieur, que le choc détermine, mais qu’il ne cause pas. Voilà la suprême leçon qui est dans le discours du maréchal. Et c’est en exprimant sa plus profonde pensée qu’il a trouvé le plus beau langage. Il a montré comment l’infortunée armée russe avait subi des défaites imméritées parce que la nation troublée ne la soutenait plus de sa foi et de sa volonté ; et il a montré dans une phrase vraiment magnifique les raisons profondes de la victoire française. « Je sentis naître dans l’armée qui venait se ranger sous mes ordres, cette résolution, ce renoncement, cette confiance qui proclament la justice de la cause et rendent les armées invincibles. Ce peuple amoureux de liberté acceptait avec fermeté la dure servitude de la guerre, parce qu’il avait conscience d’avoir sincèrement voulu la paix et qu’un sûr instinct lui dévoilait la grandeur de la tâche qu’il devait accomplir : faire la guerre, non seulement pour que la France demeure grande et belle, mais aussi pour que les peuples vivent libres, pour que l’honnêteté et la loyauté des faibles soient défendues contre la méchanceté et la félonie des forts. »
Ainsi dans un langage précis comme celui d’un rapport, avec cette simplicité des gens qui savent exactement ce qu’ils disent, le maréchal traçait la philosophie de cette guerre. C’est le style même dont l’histoire grave ses monuments, et les maximes qu’elle y écrira. Cependant le public ne cessait d’applaudir, et par moments la salle tout entière, debout, saluait de longues clameurs les vivants et les morts.
M. Richepin a répondu avec une éloquence chaleureuse. Sa voix timbrée menait ses phrases harmonieuses, les développait, les