solidité de l’organisation, au génie de Hindenburg et de Ludendorff. — Mais alors la foi était intacte. L’Allemagne ne doutait pas d’elle-même. Aux jours sombres de 1917, elle avait vu lui échapper le triomphe que ses chefs lui avaient promis en 1914 ; elle avait désespéré d’être victorieuse, mais elle restait certaine de ne pas être vaincue. Aujourd’hui il se trouve encore des gens pour écrire : « Un peuple tel que le peuple allemand ne peut pas être vraiment battu ; » mais chacun a sous les yeux la réalité de la défaite. Le Grand Etat-major s’efforce de donner le change à l’opinion. Ses scribes raillent les « stratèges de brasserie » qui apprécient les avantages de l’ennemi d’après les gains de terrain, comme si Hindenburg et Ludendorff attachaient la moindre importance à ces considérations géographiques ! Ils supplient leurs lecteurs de n’accorder aucune créance aux communiqués de l’adversaire, ils se demandent même s’il ne serait pas préférable de cesser la publication de ces bulletins mensongers qui égarent l’opinion et alimentent le pessimisme. A chaque nouveau progrès des troupes franco-britanniques, ils affirment que celles-ci ont misérablement échoué, puisqu’elles se proposaient de « percer » le front allemand et n’y ont pas réussi, et ils jurent que » cette fois, l’armée allemande va s’arrêter et tenir sur ses positions. Quelques jours plus tard, les franco-britanniques continuant d’avancer et les Allemands de reculer, ils rééditent imperturbablement la même explication. Pour mieux illustrer ces « victoires défensives, » ils ajoutent que les Alliés ont mis un mois à reprendre le terrain que l’offensive allemande avait naguère conquis en huit jours. Enfin ils publient d’interminables dissertations rétrospectives pour démontrer que la grande attaque du mois de mars avait été opportune, indispensable... Peine perdue. Des dogmes qui, depuis le début de la guerre, ont soutenu, consolé, réconforté l’Allemagne, celui qui semblait le plus solide, l’invincibilité de l’armée allemande, s’est effondré. Tout s’effondre avec lui. L’Allemagne n’est plus agitée que d’une passion, celle de la paix, mais d’une paix à laquelle personne n’avait encore osé songer, d’une paix à laquelle on sacrifiera, s’il le faut, l’honneur du pays et la personne de l’Empereur.
C’est alors qu’apparaissent les premiers symptômes d’une agitation antidynastique. Certains Allemands pensent qu’on pourrait conjurer le péril de l’invasion en se débarrassant du