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sert contre nous de l’ancien Empire et du nouveau, de son personnel de carrière et de son personnel d’aventure. La Wilhelmstrasse se prolonge en un faubourg peuplé de bolcheviks, mais de bolcheviks d’une espèce particulière, dressés au pas de l’oie, inscrits à la police et subventionnés par le ministère. Ou plutôt le bolchevisme allemand est double. Il y en a un, que lui rend, d’ailleurs atténué, la Russie, à qui elle l’avait inoculé : ainsi le bomarang, cette étrange arme de jet qui, après avoir frappé, revient vers celui qui l’a lancée. Et il y a un autre genre de bolchevisme allemand, pour l’usage externe, que la chimie infernale des Ostwald de chancellerie, des Von Hintze et des Von dem Bussche, travaillé à exporter en tubes et en flacons ; caisses de microbes infectieux, boîtes de pastilles incendiaires, au moyen desquelles l’Allemagne, orgueilleuse et maléfique jusque dans sa chute, voudrait empoisonner et détruire le reste du monde. Le bolchevisme est chargé de la menace : c’est lui que l’Allemagne peint maintenant sur le paravent où hier elle peignait son « militaire horrible, » ses « trognes armées, » ses Hindenburg et ses Ludendorff. Il serait relativement facile à éventer, et à éviter, s’il n’avait pour auxiliaires l’hypocrisie, la platitude, les faux semblants, les faux serments, les fausses misères et les fausses larmes, ce don de mentir que, dès l’antiquité, les historiens ont fixé comme un trait de la race. Nous savons tout ce dont l’Allemagne est capable dans, la ruse. Mais nous savons aussi qu’à ce jeu compliqué, il existe une riposte souveraine. Le « gouvernement d’Empire » se Halte, peut-être sincèrement, de nourrir le peuple allemand de l’illusion que ses armées sont « invaincues. » Nous, il ne nous en persuadera pas. Il ne nous arrachera ni la force, ni les avantages, ni la conscience, ni l’assurance de notre victoire. Méfiance envers lui, confiance en nous-mêmes. Surveillons tous ses gestes, et gardons la liberté des nôtres. Nous traiterons avec l’Allemagne comme il faut traiter avec elle, les yeux ouverts et le poing fermé.


CHARLES BENOIST.

Le Directeur-Général : RENÉ DOUMIC.