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impérial des Affaires étrangères à « intervenir, au Congrès de la paix, aussi en faveur de l’Autriche. » Le Dr Soif avance, ou il retarde. L’Allemagne interviendra, au Congrès de la paix, en faveur de l’Autriche, si on le lui permet; mais il est à croire qu’on ne le lui permettra pas. Elle spécule sur l’embarras où elle s’imagine que va nous mettre l’application du principe des nationalités : comment, pense-t-elle, lui refuserions-nous le bénéfice de ce fameux principe, alors que nous nous prêterions à ce qu’il fût invoqué par les Slaves et les Italiens? Mais, en vertu même du principe des nationalités, nous aurons des arrangements à faire sur la rive gauche du Rhin. En vertu de ce principe, nous aurons à la déprussifier, à la déprussianiser. Dans l’Empire allemand qui s’effondre, il y avait, sur la rive gauche, quatre États confédérés, le Palatinat bavarois, une partie de la Hesse l’ancienne principauté de Birkenfeld, réunie au grand-duché d’Oldenburg, et ce qu’on appelait la Prusse rhénane. Mais il n’y avait pas de Prusse rhénane, il n’y a jamais eu de Prusse sur la rive gauche du Rhin. Le Prussien n’y est venu que comme une mauvaise herbe, implantée du dehors ; ce n’est pas une production du sol ; la soi-disant Prusse rhénane est une création artificielle et frauduleuse des traités de 1815.

Quelle que doive être la future condition de ces territoires de la rive gauche du Rhin, il est pour nous de sagesse élémentaire de n’y laisser subsister rien de prussien. Éliminer la Prusse, et les armes-prussiennes, et l’administration prussienne, et la Kultur prussienne, et le virus prussien, et jusqu’au nom prussien, des pays de la rive gauche, est une précaution indispensable, urgente. Nous chercherons dans des alliances et des associations permanentes, qui formeraient la vraie société des nations, des garanties supplémentaires. A cet égard, l’avenir se présente sous d’heureux auspices. La visite du roi George V à Paris, bientôt suivie de celle du roi Albert de Belgique, le voyage à Londres de M. Clemenceau et du maréchal Foch, les visites prochaines du roi d’Italie et du prince Alexandre de Serbie sont des gages, que l’Entente n’est pas pour se dissoudre. M. Wilson va nous venir, et nos sympathies impatientes volent au-devant de lui. La paix juste a tout à gagner à ce qu’il ait vu l’Allemagne de plus près et soit mis au contact immédiat de ses œuvres. Nous le savons : la diplomatie allemande, sous le Dr Soif ou sous-M. Ebert, et avec M. Haase, par ses milliers d’agents, et en des douzaines d’intrigues, chez les neutres, chez les alliés même, recommence à jouer son jeu compliqué. Alternativement ou successivement, elle se