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ce second document. L’essentiel est que Guillaume ait renoncé pour toujours à ses deux couronnes, dont l’une est le support et l’armature de l’autre. Mais son dernier rescrit serait plus clair, s’il tenait tout entier en un seul paragraphe : « J’abdique comme empereur allemand et comme roi de Prusse. C’est tout. »

Dans le « papier » d’Amerongen, ce n’est pas tout. À l’instant même où il a abdiqué, où il a, en conséquence, « délié du serment qu’ils lui avaient prêté, comme à leur empereur-roi et chef suprême, tous les fonctionnaires de l’Empire allemand et de Prusse, tous les officiers, sous-officiers et soldats de la marine et de l’armée prussienne et des armées confédérées, » à cet instant même, l’ex-empereur allemand, l’ex-roi de Prusse, l’ex-supréme seigneur de guerre n’avait plus le droit de rien leur demander, n’avait plus rien à attendre d’eux. Or, il continue d’en attendre quelque chose, et quoi ? « J’attends d’eux, jusqu’à ce que soit faite la nouvelle organisation de l’Empire allemand, qu’ils aident ceux qui détiennent effectivement le pouvoir en Allemagne à protéger le peuple allemand contre les dangers menaçants de l’anarchie, de la famine et de la domination étrangère. » Guillaume de Hohenzollern dit « la nouvelle organisation de l’Empire, » comme la Gazette de Cologne et la Gazette de Francfort disent « l’Empire nouveau, » comme Ebert et Haase disent « le gouvernement d’Empire. » Ne tirons pas d’une rencontre d’expressions équivalentes des déductions exagérées, mais non plus ne négligeons-pas absolument l’indication. Constatons, tel qu’il est, ce fait que les voies se recoupent. Si c’était de dessein prémédité, le but serait la reconstruction, la reconstitution de l’Empire, dont « ceux qui détiennent effectivement le pouvoir en Allemagne » seraient, plus ou moins consciemment, les instruments. Il resterait que, dans l’hypothèse où il se montrerait fidèle à sa parole et à sa signature, Guillaume II n’en serait pas le bénéficiaire. Maison n’a toujours pas la renonciation du Kronprinz « à ses droits de succession à la couronne de Prusse et à la couronne impériale qu’ils impliquent par un acte constitutionnel irrécusable. » Guillaume II a pu ne renoncer que pour lui, mais il faudrait que le Kronprinz renonçât à la fois pour lui-même et pour son fils mineur, qui, précisément parce qu’il est mineur, ne peut valablement renoncer. Sinon, il ne cesserait pas d’y avoir un roi de Prusse, et par suite un Empereur allemand, en puissance ou en perspective.

Seulement, à l’heure qu’il est, en droit comme en fait, il n’y a plus d’Empire allemand. Guillaume II ayant expressément,