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employaient d’un commun accord, pour désigner leur attelage, cette formule équivoque : « le gouvernement d’Empire. » Ebert se serait-il cru réellement chancelier? Sans doute, le mot Reich, en allemand, est très vague, très général, et couvre l’étendue presque sans limite qui va de la catégorie étroite, un Empire avec un Empereur, à un règne de la nature, à un mode de l’être : un peu comme le mot « empire » lui-même dans notre langue classique; « il se dit d’un État considérable, quelle que soit la forme du gouvernement. » Toutefois, Ebert et Haase évitent d’écrire cet autre mot qui, de nos jours, a pris une précision parfaite, et ne s’applique plus qu’à un type d’État, « la république. » Kurt Eisner, à Munich, agit au nom d’une « république bavaroise, « qui est ce qu’elle est et vaut ce qu’elle vaut. Les socialistes de Berlin demeurent les hommes d’un « empire nouveau, » peut-être parce qu’ils avaient pris, depuis quatre ans, l’habitude d’être les hommes de l’Empire.

En faisant remarquer, la quinzaine dernière : « Aucun acte d’abdication de Guillaume II n’a été jusqu’à présent révélé : aucun acte d’abdication comme Empereur allemand, aucun acte d’abdication comme roi de Prusse, » nous touchions au vif de la question. Le 1er décembre, trois semaines après la fuite en Hollande, le « gouvernement de l’État allemand » se décidait à éclairer les ténèbres où il s’était lui-même enveloppé, et faisait savoir par la toujours officieuse agence Wolff : « Afin de répondre à certains malentendus surgis au sujet de son abdication, l’empereur Guillaume II a renoncé à ses droits à la couronne de Prusse et aux droits à la couronne impériale allemande qu’ils impliquent par un acte constitutionnel irrécusable. » C’est justement ce que nous nous étions proposé d’établir; et que l’abdication de Guillaume II comme empereur ne vaudrait rien sans son abdication comme roi de Prusse.

Cette fois, depuis le 28 novembre, la double abdication est acquise, elle est régulière : « Par la présente, déclare Guillaume II, je renonce pour toujours à mes droits à la couronne de Prusse et aux droits connexes à la couronne impériale allemande. » La déchéance est donc accomplie ; elle ne l’est qu’à partir du 28 novembre, date où ce document a été signé, à Amerongen, et non, comme l’avait annoncé le prince Max de Bade, dès le. 9 ou le 10 ; mais peu importe. Peu importent aussi les raisons qui ont empêché Ebert, Haase et le docteur Soif de publier le premier texte de la renonciation impériale et royale, s’ils l’avaient, et les circonstances, envois de messagers, intervention de l’Impératrice, qui ont déterminé ou accompagné l’élaboration de