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marque-t-on devant eux l’amère conviction de la défaite? Sont-ce des vaincus qui rentrent, et à qui l’on montre qu’on sait bien qu’ils sont des vaincus? Rouvrons la Gazette de Voss. Un correspondant de Carlsruhe lui écrivait, le 19 : « Depuis vendredi, les troupes de retour passent de plus en plus nombreuses à travers le Palatinat et le Grand-Duché de Bade. De solennelles réceptions sont préparées partout à nos soldats. Depuis hier, la ville de Carlsruhe a sorti ses drapeaux. Nos soldats ont défilé par bandes, dans des automobiles fleuries et sur des camions pavoises. La foule les a salués de ses acclamations enthousiastes. » Deux jours après, le 21, le socialiste Vorwaerts confirmait et précisait les renseignements : « Le flot des armées allemandes qui se replient est arrivé au Rhin. Les pointes de la sixième et de la septième armées sont entrées à Cologne, musique en tête. La population entoure les troupes et elle les comble de présents. Des bataillons d’automobilistes ont ouvert la marche; les troupes d’assaut suivaient en longues colonnes. La tenue des troupes est bonne et normale... La ville de Cologne est richement pavoisée. Les troupes ont à leur disposition les réserves de vins qui se trouvent dans les régions situées sur la rive gauche du Rhin. Chaque soldat est ravitaillé pour plusieurs jours. » La Gazette de Cologne, toute la première, mieux placée que toute autre pour assister au reflux, n’a que des paroles de bienvenue : « Nos troupes reviennent, écrit-elle; elles défilent sans arrêt, franchissant le Rhin, dans la direction de l’intérieur de l’Allemagne. Avec une joie contenue, qui gonfle nos cœurs remplis de reconnaissance, nous accueillons cette armée de héros invaincus, qui pendant de longues et cruelles années ont subi des souffrances inouïes et accompli des exploits sans précédent, qui nous ont fait un rempart de leurs corps et qui rentrent chez eux aujourd’hui pour se remettre aux travaux pacifiques. Nous ne saurions avoir pour eux trop de gratitude. Ils auraient mérité de revenir couronnés par la victoire, de défiler triomphalement au milieu de nos acclamations enthousiastes. Le destin en a décidé autrement... » Quant à la Gazette de Francfort, elle n’accepte pas comme irrévocable, comme éternel, cet arrêt même du destin, et elle convie les armées qu’on ramène à prendre leur part de la tâche de demain : « Nos soldats rentrent. Les routes de l’Ouest sont couvertes de leurs colonnes, les ponts du Rhin des longues files de wagons qui les rapatrient. Nous ne pouvons les couvrir de fleurs, mais nous leur devons un serrement de mains, un remerciement. Nous vous saluons, soldats allemands! L’Allemagne a perdu sa guerre, mais vous avez gagné votre guerre. Vous avez sauvé