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élire le Cosaque le plus populaire au Don, le commandant de la VIIIe armée, le général Kalédine. Pour comprendre l’importance de cette nomination, et l’ampleur des espoirs dont elle emplit les cœurs des Cadets, il faut savoir que l’ataman des Cosaques du Don est « primus inter pares ; » il est de droit le porte-parole des onze tribus de Cosaques de la Russie : ceux du Don, du Kouban, du Terek, de l’Oural, d’Orenbourg, de Sémiriétchie, d’Astrakhan, de Sibérie, du Transbaïkal, de l’Amour, et d’Oussouri. Au congrès de Moscou, le général Kalédine a en effet lu une résolution au nom de tous les Cosaques de Russie.

Après la « rébellion » de Kornilof, Kalédine prit hautement parti pour lui et fut défendu par ses Cosaques contre les émissaires de Kerensky venus pour l’arrêter. Plus tard, il se tourna résolument contre les bolcheviks. Il comptait beaucoup, pour la défense du Don, sur les jeunes Cosaques qu’il avait fait revenir du front. Mais il s’aperçut bientôt que ceux-ci étaient, en grande partie, gagnés par l’esprit maximaliste. Les pères qui s’étaient rangés derrière Kalédine, ne reconnurent plus leurs fils ; aussi bien, ceux-ci avaient moins adopté les idées politiques nouvelles, qu’acclamé l’insubordination dans les régiments.

Un projet de dislocation et de réorganisation des régiments échoua : personne ne voulut se rendre aux endroits désignés. Les frontowyé-cosaques voulaient marchander avec les Bolcheviks, les vieux se battre avec eux, mais personne ne se battait.

Au grand kroug de décembre 1917, les différences éclatèrent. Tous les représentants des stanitzas, à l’exception de celles du Nord, furent cependant pour les mesures que proposa Kalédine.

Craignant que son nom n’attirât sur le Don toutes les haines des Bolcheviks, Kalédine donna sa démission, mais fut réélu par 570 voix contre 100, aux applaudissements frénétiques de l’assemblée où les frontowyés[1] ne comptaient que 200 membres. Ce fut un beau succès pour Kalédine. Malheureusement la réunion prit une résolution qui hâta sa chute.

Un certain Agnéef proposa un projet de loi qui tendait à donner aux non-Cosaques une part du pouvoir, Kalédine, soit

  1. Frontowik, soldat revenu du front.