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REVUE SCIENTIFIQUE

UNE RÉVOLUTION EN CHIRURGIE
LES GREFFES MORTES

Le plus sot peut-être, sinon le plus odieux des crimes allemands, en déchaînant la guerre, aura été d’avoir brisé pendant des années les progrès de l’esprit humain, la recherche désintéressée du beau et du vrai, toutes ces fleurs de la pensée qui colorent d’un peu d’idéal la marche sombre des hommes.

Aujourd’hui, « la Victoire en chantant nous ouvre la barrière, » la barrière de fer et de feu que la folie homicide d’une race de proie avait brutalement élevée devant la pensée désintéressée. Mais qui pourra chiffrer jamais, à côté des dommages matériels causés par l’ennemi, les dommages immatériels amoncelés par sa fureur imbécile de domination ? Qui comptera tous les Pasteur, tous les Claude Bernard, tous les Henri Poincaré qu’il a enlevés à notre pays dans la fleur de leur génie naissant ? Qui pourra mesurer, parmi tant d’autres cerveaux que la mort n’a pas touchés, ce qui aurait pu naître de beau et de profond, si les dures besognes imposées par la défense du sol ne les avaient pas stérilisés pendant quatre ans passés ?

Pourtant, la science française est toujours vivante… Tonifiée et stimulée par la victoire, elle se prépare à répandre de nouveau sur le monde les idées ingénieuses et fertiles et les découvertes qui ont fait de tout temps sa gloire… et le profit de ceux qui ailleurs en savaient tirer parti.

Dans ce moment même, tandis que nos soldats pénètrent chez l’ennemi naguère si arrogant, et comme afin de montrer que la force n’est pour la France que le piédestal magnifique de l’idée, une grande