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LA VIE DES VOITURES

La deuxième crise, ce fut celle du matériel.

Les bandages d’abord. Car c’est très bien de faire écraser du caillou par des roues caoutchoutées. Mais, si résistant et si têtu que soit le caoutchouc, il est obligé de céder !

Ce fut donc bientôt une vraie débâcle ! Un détail caractéristique : les jantes étaient dépouillées et déchiquetées à un tel point, que des lambeaux de caoutchouc traînaient jusque dans les rues de Bar : des gamins les ramassaient et les revendaient, en fraude, à certains mercantis, à raison de quatre sous le kilo !

Le parc de Bar s’organisa en conséquence ; et, là encore, en dépit de grosses difficultés (mauvaise qualité de certaines livraisons, etc.) au moyen d’un travail ininterrompu[1], on évita l’arrêt. — Eviter l’arrêt, c’était ce qu’il fallait, à tout prix !

Au point de vue des moteurs et de l’ensemble des châssis, inutile de dire que le matériel « fatiguait » terriblement. En dehors donc des accidents, beaucoup de véhicules se trouvaient mis hors de service par l’usure rapide de certaines pièces : car on n’avait guère le temps de graisser, de renouveler l’huile ; parfois on laissait les radiateurs manquer d’eau ! Le parc de Troyes eut, par exemple, un grave problème à résoudre avec les camions américains : les arrivages de rechanges d’Amérique se trouvaient justement interrompus ! Il fallut fabriquer : les ouvriers travaillèrent à force. Tout s’arrangea.

Au milieu de ces préoccupations, il était nécessaire pourtant d’assurer, au jour le jour, toutes les réparations. Ainsi qu’il a été dit, les petits travaux étaient exécutés par les ateliers des sections. Mais, pour ceux qui demandaient de l’outillage et du temps, les voitures « amochées, » — pour employer le terme exact, — devaient être amenées, ou au parc de Bar, qui les répartissait entre ses sections de Chamouilley et de Ligny-en-Barrois[2] ; ou au parc d’Aulnay-l’Aître, qui les envoyait à

  1. Il y eut six presses à bandages hydrauliques qui fonctionnèrent jour et nuit.
  2. La S. P. 36, de la « Région fortifiée de Verdun » avait dû quitter Verdun dès les premiers jours de l’attaque. Ce déménagement s’était fait au prix des plus grosses difficultés, et cependant avec un ordre remarquable. La S. P. 36 était installée à Ligny-en-Barrois et faisait, partie du parc de Bar.