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écarlate largement brodée d’or gemmé et bénissant d’un geste hiératique, qu’accentue la lourde tiare à trois couronnes d’or constellées de pierreries.

A sa droite, la Vierge Marie, reine du ciel, plus jeune que son divin Fils, lit dans son missel à enluminures un texte que lui signale Jean le Baptiste, assis à la gauche de Jésus et qui l’enseigne en commentant une Bible d’écriture moderne.

Ces trois figures capitales sont de grandeur naturelle et d’une beauté de style incomparable ; tandis que sur le même plan du retable viennent d’abord, de chaque côté, les Anges chanteurs et les Anges musiciens, qui sont peints dans une autre échelle. Les deux panneaux originaux sont à Berlin ainsi que les Juges Intègres, où sont les portraits des Van Eyck, les Chevaliers du Christ, les Ermites et les Pèlerins qui prenaient place au-dessous, dans l’économie générale de cet énorme polyptyque.

Le Musée de Berlin peut-il conserver ces fragments importants d’une œuvre aussi capitale, alors que les Allemands ont accumulé tant de ruines en Belgique ? Nous ne le pensons pas. Ces Anges musiciens et ces Anges chanteurs constituent une vision tout à fait charmante, et sont les plus précieux épisodes de l’Adoration de l’Agneau. Le premier panneau groupe cinq musiciens qui donnent la mesure et l’harmonie d’un orgue à soufflet, d’un théorbe, d’un cistre et de deux violes, aux huit enfants chanteurs se tenant debout dans leurs dalmatiques de velours tramé d’or, de l’autre côté du retable. Ce sont de très précieuses œuvres d’art. Plus à droite et à gauche, sur le même plan du retable, s’avancent nos premiers parents, fort confus de leur cruelle nudité duvetée. Eve, qui tient encore en main la pomme du péché originel, développe une fécondité apparente, que masque mal la feuille de figuier qu’elle tient gauchement dans sa main. Adam, velu et penaud, s’avoue honnêtement coupable, tandis qu’Eve argumente et parle du serpent tentateur.

Au-dessous des trois grandes figures qui dominent le Christianisme, se déroule le mystère auguste du sacrifice de l’Agneau. L’otage mystique est debout, sur un autel, qu’encensent douze anges agenouillés, vêtus de blanc et foulant la prairie fleurie de toutes les herbes du printemps. Les Vierges martyres, les Apôtres, les Précurseurs, et les Laïques, les Archanges, les