Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/887

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ensemble comprenant la base des deux tours, les piliers du vaisseau et des collatéraux s’élevant parallèlement, sous la toiture mise en place d’abord jusqu’à la rose de la façade, puis jusqu’à la galerie des Rois, vers 1290 ; le gros œuvre étant, alors, terminé, à la naissance de l’isolement des tours qui ne furent achevées qu’au début XIVe siècle, sous la direction de maître Adam, puis de Robert de Couci, dont le nom seul émergeait de la légende orale de la basilique.

C’est donc à maître Gaucher de Reims et à son atelier qu’il faut attribuer, sans conteste, les incomparables figures des trois porches et la décoration du contre-portail intérieur, l’une des plus pures merveilles de la statuaire médiévale et le plus rare trésor de Reims. — Cette contre porte, seule, eût assuré la gloire d’un artiste, si le grand tambour sculpté, rajouté au XVIe siècle, n’eût assombri les cinquante niches trilobées qui sembleraient avoir occupé la vie entière d’un statuaire, et qui ont dû être faites, — avec quelle magistrale science technique ! — en peu de temps, si l’on déduit des huit années que Gaucher travailla à Notre-Dame de Reims, le temps employé aux trois porches et aux trois gables. Rien que le groupe de la Communion du Chevalier avec l’officiant tendant l’hostie, dans un mouvement hiératique qui casse en larges plis une étoffe, si admirablement souple, qu’elle ne trahit nulle part le grand effort de sa composition, et le chevalier, en armes, qui ne s’agenouille point, étant de ceux qui ont le droit d’entrer à cheval jusqu’au maitre-autel de l’église ; rien que ce seul groupe, complété par l’écuyer qui attend sa part du pain consacré, aurait suffi à immortaliser le nom de Gaucher de Reims. Mais notre pays, trop riche en artistes de premier ordre, les a noyés dans un obscur anonymat, dès les débuts du XVIe siècle, lors de l’envahissement de la Renaissance italienne, avec tous les « tailleurs de cruchefis » et les « imagiers » de pierre et d’ivoire, les verriers et les tapissiers qui ont rempli l’Europe d’œuvres françaises, durant trois siècles et demi, et qui ont assuré obscurément sa suprématie artistique. Hélas ! une partie de cette Porte intérieure a largement souffert de l’incendie des tambours sculptés, sans que pourtant la destruction en soit totale. Il n’en est pas de même du grand porche extérieur de la tour du Nord dont les statues des ébrasements ont été saccagées, dès le 20 septembre 1914, par l’incendie et