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Le général Mangin, commandant la 10e armée, vient d’adresser à ses compatriotes de Metz une ardente proclamation, affichée sur les murs de la ville en fête : on devine les sentiments et les pensées que font naître dans le cœur et dans l’esprit des Lorrains de Metz, ces nobles paroles où rien ne manque, et qui résument, par leur volontaire brièveté, vaillamment persuasive comme un appel de clairon, ce qu’il faut dire aux populations qui, tout à l’heure, vont admirer, acclamer, sur l’Esplanade, le défilé triomphal de nos soldats libérateurs.

Hélas ! Une fâcheuse nouvelle se répand dans la foule et nous attriste. C’est un contre-temps imprévu, c’est un accident qui, Dieu merci, n’aura pas de suites graves. Mais les habitants de Metz seront privés du plaisir de saluer, tout à l’heure, dans sa Lorraine natale, l’intrépide soldat qui fut, dès sa première jeunesse, avec les Gouraud, les Marchand, les Baratier, un des initiateurs de l’œuvre française en Afrique, — le chef prévoyant et résolu, l’entraîneur d’hommes, qui, préparé à toutes les formes de la guerre, se haussant au niveau de toutes les situations, surmontant tous les obstacles, grandissant avec les circonstances, força, sous Verdun, la fortune des armes à se retourner en notre faveur, et sut déclencher, au bon moment, par sa vigoureuse contre-offensive du 18 juillet dernier, l’avance irrésistible dont nous voyons le magnifique aboutissement. Le général Mangin, blessé, ne sera pas là, pour présenter au maréchal commandant en chef les armées françaises, les troupes d’élite qu’il a menées à la victoire ; il ne recevra pas aujourd’hui sa part du triomphe mérité : ses compatriotes seront bientôt consolés de cette déception en trouvant une autre occasion de lui témoigner leur affectueuse reconnaissance et leur admiration fraternelle.

L’enthousiasme du Lorrain, notamment du Messin, est d’autant plus profond qu’il est plus intime, plus secret, moins enclin aux manifestations extérieures. Dans la cité natale du maréchal Fabert, dans ce milieu où la bourgeoisie parlementaire des siècles passés a su maintenir par voie d’héritage une tradition de vertus aussi solides que discrètes, on n’aime pas beaucoup les vociférations inutiles ni les excessives gesticulations. Ici on admire volontiers en silence, on acclame quelquefois en dedans. C’est pourquoi tous les mouvements que font les gens d’ici, tous les mots qu’ils prononcent après mûre