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REVUE DES DEUX MONDES.

Dans une rue à laquelle nos ennemis ont donné le nom de Ludendorff, nous rencontrons des personnes qui précisent quelques détails de cette tuerie préméditée par le grand état-major de Berlin, conformément aux doctrines de son manuel de guerre (Kriegsbrauch im Landkriege), exécutée, sur place, avec une incroyable sauvagerie.

— Si vous allez au cimetière, nous dit-on, vous y trouverez les tombes des deux plus jeunes victimes de ces assassinats. Ce sont deux petits garçons, l’un de onze ans, l’autre de neuf ans, les enfants de Mme Chrétien, fusillés sous les yeux de leur mère, qui elle-même fut blessée par les bourreaux de ses fils qu’elle voulait couvrir de son corps.

— De plus, ajoute un autre témoin, la maison de Mme Chrétien a été brûlée.

M. Jules Collignon, retraité des chemins de fer, âgé de cinquante-six ans, le meilleur des hommes, ils l’ont fusillé, le 24 août, dans sa propriété de la Gaillette.

— L’abbé Braux, notre curé-doyen, l’abbé Persyn, vicaire, ont été fusillés le même jour, en même temps que Louis Martin, facteur ; Eugène Valentin, chauffeur des chemins de fer ; Pierre Toussaint, rentier ; Jean Burtin, retraité ; Nicolas Reinalter, garde-frein ; François Delcourt, comptable ; et le vieux père Leroy, âgé de quatre-vingt-quatre ans…

Les noms des victimes se pressent ainsi sur les lèvres des témoins qui n’ont échappé que par miracle au même sort. La liste funèbre s’allonge sans cesse, dans sa tragique vérité. Impossible de douter du crime monstrueux. Les noms, les lieux, le détail des circonstances sont trop précis, trop accablants.

Un jeune homme de dix-sept ans, rencontré sur la place de l’Hôtel-de-Ville, nous dit :

— Ils m’avaient emmené, moi aussi, avec d’autres qu’ils ont fusillés aux casernes. Mais j’ai pu réussir à sauter du camion et à me cacher dans la forêt. Plus tard, ils m’ont attaché cinq fois, au poteau, sur la route.

Mme Pierre, veuve d’un coiffeur de Longuyon, qui fut tué le 24 août, au matin, par un officier allemand, nous apporte son témoignage :

— Ils sont venus à la maison, nous dit-elle, sous prétexte de chercher un soldat. « Un soldat ? leur ai-je dit, mais mon mari