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d’une vieille église qui semble faite à souhait pour le plaisir des paysagistes. Mais aujourd’hui, en ce beau dimanche libérateur, les impressions se succèdent si rapides, les sensations se suivent, si fortes, les émotions se multiplient, si profondes, qu’on ne saurait en suivre à loisir le cours précipité. Nos regards lisent en même temps, sur un écriteau allemand : Achtung ! et sur une pancarte française : Soyez les bienvenus ! L’Ortskommandantur est parée de lanternes vénitiennes, sorties sans doute d’une kantine qui les destinait à célébrer d’autres solennités.

Nous nous arrêtons au bas d’une rue, sur une place. La conversation s’engage :

— Quand sont-ils partis ?

— Hier soir.

Et c’est une rapide énumération des procédés vexatoires dont les habitants de ce pays ont pâti durant les quatre longues années où ils furent prisonniers des Allemands. Défense, sous peine d’amende, de circuler en ville sans une carte d’identité. Règlements incessants et taquins, enquêtes fréquentes, investigations indiscrètes, espionnage continuel, mainmise sur les moindres détails de la vie sociale et même de la vie privée ; quel régime !

Et c’est ainsi que nos malheureux compatriotes de l’arrondissement de Briey ont vécu depuis le mois d’août 1914.

— Nous étions accablés de réquisitions, nous dit l’un d’eux. Les billets de logement étaient de plus en plus nombreux, à mesure que les années s’écoulaient. Ils avaient établi chez nous une école d’officiers qui se renouvelaient sans cesse, occupant nos maisons à tour de rôle. Nos maisons d’ailleurs ont été pillées. De plusieurs il ne reste plus que les quatre murs.

M. Reblé, maire de Moûtiers, commune toute proche de Briey, nous donne des renseignements sur la manière dont ils ont exploité les mines pendant tout le temps de l’occupation. La plupart des mines sont endommagées par leurs malfaçons. Ils ont « saboté » tous les appareils et outillages, gâché les laminoirs, les machines soufflantes, les moteurs électriques.

Au moment où nous quittons Briey, nous sommes rejoints, au tournant de la route de Spincourt, par un groupe de jeunes gens à bicyclette. L’un d’eux crie joyeusement :

— Ils ont laissé à Mancieulles tout un dépôt de munitions !