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L’ALSACE ET LA LORRAINE RETROUVÉES.

II

LE PÈLERINAGE À METZ

Le soleil s’est levé ce matin dans un ciel de victoire. La lumière de ce jour d’automne, presque d’hiver, est plus douce qu’une aube de printemps. Tout le long de cette route qui s’en va directement vers l’Est, au cœur de nos provinces délivrées, on voit resplendir aux façades rustiques des plus humbles maisons les couleurs triomphantes de la patrie. Au-delà des collines harmonieuses de l’Île-de-France, au creux des combes de la Brie champenoise, sur les rives de la Marne illustrée par l’histoire d’autrefois et par l’épopée d’hier, plus loin, aux bords de l’Ornain et de la Saulx, sur les chaumes du Barrois qui est, en quelque sorte, le seuil de la Lorraine, il n’y a pas un village, pas un hameau qui n’arbore avec fierté le faste de nos drapeaux illuminés de gloire. Et l’on voit que, dans ces agrestes logis où les bonnes gens de France ont tant travaillé, tant peiné pendant la Grande Guerre, les cœurs sont si heureux maintenant ! — si heureux parce que désormais, au-dessus des tombes récentes et des douleurs inapaisées, la patrie, relevée de ses humiliations d’hier, confiante dans son labeur de demain, se sent plus forte que jamais, et sûre de l’avenir.

Cette route, qui nous conduit à Metz, est une voie historique, illustrée, d’un bout à l’autre, par les images d’un passé plein de rayons et d’ombres. Aux endroits marqués par les stations douloureuses de l’Année terrible, on reconnaît aujourd’hui les étapes qui ont jalonné, pour les soldats de la Marne, le chemin de la victoire. On voit, au bord de la route, les cimetières où se pressent les croix de bois, indicatrices du coin de terre française qui a recueilli les restes sacrés des héros et des martyrs de la grande bataille où l’ennemi fut frappé d’un coup décisif. On voudrait pouvoir s’arrêter devant toutes ces tombes