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L’ALSACE ET LA LORRAINE RETROUVÉES

I

JOURS D’ALLÉGRESSE

L’Alsace et la Lorraine sont en fête. Depuis quarante-sept ans, elles vivaient dans le deuil. Brusquement le voile noir, qui recouvrait leurs regrets et leurs espérances, s’est déchiré et les trois couleurs proscrites leur sont apparues dans un rayonnement de gloire. De tous les cœurs, si longtemps comprimés et meurtris, de folles acclamations ont jailli.

Qu’ils aillent donc passer quelques heures dans nos villes et nos villages libérés, les sceptiques qui élevaient des doutes sur l’inébranlable fidélité de mes compatriotes à la France. Ils verront une population ivre de bonheur, qui ne sait comment exprimer son allégresse ; ils verront les maisons pavoisées du haut en bas avec des moyens de fortune, ils verront des soldats français portés en triomphe. Et la spontanéité comme l’éclat de toutes ces manifestations collectives leur prouveront l’intensité d’un sentiment longtemps contenu qui détone comme les gaz subitement libérés d’une torpille.

Que de fois, au cours des conférences que j’ai données durant les années de la guerre, n’ai-je pas entendu des hommes mal avertis me dire : « Êtes-vous bien sûr que les Alsaciens-Lorrains n’ont pas perdu le souvenir de leur glorieux passé et que l’intérêt ne les rive pas au puissant empire allemand ? » Je répondais toujours : « Mes compatriotes, je les connais. Ils n’ont jamais douté, ils n’ont jamais fléchi. Race vigoureuse