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UNE VISITE
AU
COMMANDANT D’ANNUNZIO

Voici que l’Italie communie aujourd’hui dans une sainte joie : elle se voit enfin groupée tout entière sous les plis du drapeau national. Des lambeaux de patrie, tels que Trente, Aquilée, Trieste, Pola, tant d’autres villes et contrées encore sont délivrées, et il n’y a plus de Barbares dans les cités où jadis résonna la langue latine et régna le lion de Saint-Marc.

Mais de même que l’aube peut sembler parfois le moment le plus émouvant d’une journée dont le midi sera resplendissant, il faut convenir que des heures poignantes et belles entre toutes furent celles où, dans Rome anxieuse, on sentit poindre l’offensive, à la fin d’octobre, et bientôt palpiter la Victoire.

On se trouvait fiévreux, agité. Sur les fronts de France, de Serbie, de Palestine, partout enfin, la bataille faisait rage. Or, comme dit un proverbe, quand on se bat chez le voisin, — et ici le voisin, c’était l’ami, — le bâton bouge dans la main. Quelques-uns s’étonnaient : pourquoi ce silence sur le Piave et le frappa ?

Mais, vers le 25 ou le 26, deux ou trois communiqués firent comprendre que l’offensive se préparait, se déclenchait, que la lutte était très dure, que l’Autrichien résistait éperdument. L’angoisse étreignait les cœurs, puis aussitôt ce fut l’espoir. Le 28, on sut que le Piave était passé en deux points. On s’arracha les journaux. Les camelots crièrent la belle nouvelle par la Via Nazionale et le Corso à demi ténébreux, où l’on s’arrêtait sous les rares lumières pour lire avidement les détails. Quelle émotion ! quelle fierté ! Tous les pas se pressaient, et