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les grandes villes de la zone neutre ; elles occuperaient les principaux points stratégiques (nœuds de chemin de fer, etc.) et les passages du Rhin (têtes de pont). La défense d’une ligne naturelle aussi forte favoriserait, en cas d’agression, leur rôle de troupes de couverture. Les dangers d’une surprise stratégique seraient éloignés de régions industrielles qui nous sont indispensables, et, plus encore, du cœur de la France. Les premiers combats de la guerre se livreraient sur le sol allemand.

Pendant la paix, la solidarité militaire des États adhérents s’affirmerait dans l’accomplissement par leurs troupes d’une tâche commune… Cette solidarité se développerait par le contact de ces troupes-frontières, par les relations de camaraderie qui s’établiraient entre elles, par l’émulation de leur instruction.

L’occupation des pays de la rive gauche du Rhin par les troupes de la Société des Nations fait partie des mesures de précaution militaires permanentes qu’il semble nécessaire de maintenir, tant que la nation allemande n’aura pas, par la politique qu’elle suivra et par la modération de ses armements, donné au monde des preuves indéniables de sa volonté de paix.

Cette mesure n’impose à nos adversaires aucune exigence qu’ils n’aient dû prévoir. La convention d’armistice du 11 novembre stipule que les troupes allemandes évacueront la rive gauche du Rhin, que les troupes alliées occuperont trois grandes tôles de pont, qu’une zone neutre sera réservée sur la rive droite. Les préliminaires de paix, — à l’exemple des préliminaires de paix franco-allemands de 1871, — ne peuvent manquer de stipuler que notre occupation sera maintenue jusqu’à ce que l’Allemagne se soit acquittée des obligations fixées par l’article 14 : réparation des dommages. Il ne peut entrer dans le cadre de cette étude d’examiner comment devra être réalisée cette réparation des dommages ; mais il est impossible de concevoir qu’elle n’exige pas un délai d’un assez grand nombre d’années. Au terme de cette période, le développement de la situation politique européenne permettra aux États faisant partie de la Société des Nations de prendre, au sujet de l’occupation, telle décision qu’ils jugeront conforme à l’équité et compatible avec leurs intérêts essentiels.