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plus défavorable. Nous devons donc, pour étudier les problèmes de notre défense nationale, envisager la formation, au centre de l’Europe, d’un groupement compact de soixante-quinze ou quatre-vingts millions d’Allemands, réunis par des liens politiques plus ou moins serrés, mais certainement imbus des mêmes aspirations de race, rapprochés par les souvenirs d’une longue lutte commune et probablement animés du désir de la revanche.

Ce groupement, dont les forces économiques sont en grande partie intactes, est susceptible de redevenir, plus ou moins vite, une grande puissance militaire. Voilà la possibilité qu’il faut envisager, contre laquelle il faut nous prémunir, si nous ne voulons pas que nos efforts de quatre années de guerre aient été vains.


C’est une belle et généreuse idée que de compter, pour assurer dans l’avenir le maintien de la paix universelle, sur le développement des idées démocratiques. Mais nul ne peut affirmer que les grandes démocraties seront toutes et toujours pacifiques. L’histoire a fourni de beaux exemples de Républiques impérialistes. Sans remonter très loin dans le passé, soutiendra-t-on que même la plus idéaliste des démocraties n’ait jamais fait de guerre de conquête ?

Nous ne raisonnons pas d’ailleurs en pure théorie. Les Allemands sont nos voisins et nous venons d’apprendre à les connaître. Nous nous rappelons l’époque la plus démocratique de leur histoire qui fut celle du Tugendbund et des strophes enflammées d’Arndt. Nous avons présent à l’esprit tel ou tel discours prononcé il y a quelques mois au Reichstag par les chefs du parti socialdemokrat. Nous refusons d’admettre a priori et sans contrôle, qu’en Allemagne démocratie signifiera désarmement.

Aussi, nous croyons que les Puissances de l’Entente auront comme devoir essentiel, pendant longtemps encore, de prendre des précautions d’ordre militaire en rapport avec l’importance du danger allemand.

Les peuples de l’Europe vont-ils donc, au lendemain de la guerre comme dans les années qui l’ont précédée, se lancer dans la concurrence des armements, développer à outrance