Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/782

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’inévitables grands conflits. Voulant avant tout une paix stable, nous croyons, suivant la belle expression de M. Asquith, à la possibilité d’une paix pure. »

Mais, s’il est facile de placer au frontispice du futur traité l’énoncé de ce beau principe, comment en concilier l’application avec les garanties nécessaires d’une paix durable, avec les obligations de notre défense de demain, avec « l’égoïsme sacré » qui s’impose à toute nation ?


Il est impossible de ne pas être effrayé par la complexité et les difficultés de tout ordre de la tâche imposée aux hommes d’État qui, au prochain Congrès de la paix, entreprendront de toutes pièces la reconstruction de l’Europe.

Les bases sur lesquelles devra s’édifier leur œuvre sont encore mouvantes. Nous venons de voir, en quelques jours, s’écrouler l’Autriche-Hongrie et se transformer l’Allemagne. Seul le temps pourra sur ces ruines asseoir quelque chose de stable. Non seulement les frontières des nouveaux États qui naissent sous nos yeux sont encore indéterminées, mais leur constitution politique et leur formation sociale traversent des crises dont il est impossible de prévoir l’issue. Des nationalités, nées d’hier à l’indépendance, se disputent, les armes à la main, des territoires contestés, Polonais contre Ukrainiens, Finlandais contre Russes. Qui ne voit, entre peuples qui combattaient hier pour la même cause, les germes d’autres conflits encore latents et qu’il faudra éviter ? La Russie est livrée à une tyrannie de la canaille, plus destructrice que la guerre même : pillages, massacres et destructions. Des désordres militaires et ouvriers sévissent en Allemagne et dans les anciens États de l’Autriche : où s’arrêteront-ils ?

La diplomatie va commencer son œuvre au milieu de ce chaos. Si parfaite que soit l’œuvre, il est certain qu’elle sera contestée et violemment contestée, car, — on l’a dit non sans quelque raison, — le principe des nationalités est plus souvent un principe de conflits qu’un principe d’accords. Dans certaines contrées, les nationalités sont enchevêtrées de telle manière qu’une répartition territoriale satisfaisant toutes les revendications légitimes est, à proprement parler, impossible. Ailleurs, d’inéluctables nécessités économiques imposeront des