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plus ingrates, à la limite extrême de la fatigue physique, ils se sont jetés vaillamment au-devant des mitrailleuses ennemies, se sacrifiant pour que la victoire fût complète et que la paix qui va venir fût, non pas une trêve, mais une véritable paix.

Nous avons été surpris il y a quatre ans par une guerre à laquelle personne en France ne voulait plus croire. Les supériorités matérielles dont notre adversaire a pu longtemps profiter pendant cette guerre sont dues. Pour une grande part, à ce qu’il avait préparé son agression délibérément et à échéance à peu près fixe. Nous ne voulons plus être exposés dans l’avenir aux surprises d’une semblable agression.

Nous sommes tenus d’assurer aux peuples qui ont combattu pour notre cause, — aux petites nations comme aux grandes, — en dehors de la satisfaction de leurs revendications nationales justifiées, les mêmes garanties d’indépendance et de sécurité que nous réclamons pour nous-mêmes. Tout projet d’accord qui ne nous apporterait pas ces garanties léserait profondément ceux qui, pendant cinquante-deux mois de guerre, ont tendu tous leurs efforts et consenti tous les sacrifices pour la victoire ; il constituerait une trahison envers nos morts.

D’autre part, après avoir vaincu et momentanément désarmé nos adversaires, nous n’a m bi Pion nous pas de leur imposer la sujétion politique et économique qu’ils avaient rêvé de nous faire subir. Nous ne réclamons pas contre l’Allemagne un traité tel que ceux de Bucarest et de Brest-Litovsk. Car la guerre nous a appris que les violences faites aux légitimes aspirations et à la volonté de vivre d’un peuple se tournent tôt ou tard contre le peuple oppresseur. Nous avons vu combattre dans nos rangs des sujets allemands ou autrichiens d’hier, Polonais, Tchécoslovaques, Yougo-Slaves, sans parler de nos frères Alsaciens-Lorrains. Le traité de paix que nous réclamons ne devra créer aucune nouvelle Alsace-Lorraine.

Une des causes profondes de notre victoire, une des raisons qui ont amené à nos côtés sur les champs de bataille nos « associés » américains, c’est que nous combattions pour une idée : le droit des peuples à disposer eux-mêmes de leur destinée. Nous ne renierons pas notre idéal après la victoire, même pour châtier les peuples qui ont voulu la guerre, même pour mieux garantir la paix. Car nous croyons que toute paix reposant uniquement sur la force porterait en elle les germes