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face de moi, Broglie, livide. Charles Blanc est venu s’asseoir près de moi. Jules Simon m’a présente M. Mézières.


On était en plein coup d’État du 16 mai. Cette coïncidence explique les attitudes notées par Victor Hugo, l’hostilité manifestée contre lui par la majorité de l’Académie, son hommage à Iules Simon, que le maréchal de Mac-Mahon avait « démissionné, » et l’embarras du duc de Broglie. Dès le premier moment, Victor Hugo avait pris parti avec violence contre le nouveau gouvernement. Le 31 mai, il écrivait sur son carnet :

Je décide, en présence de ce qui semble se préparer, que je mettrai en sûreté mes manuscrits. Je ferai le contraire pour ma personne, car la vie risquée complète le devoir rempli.


Le carnet mentionne toutes les réunions auxquelles Victor Hugo prit part, soit au Sénat, soit chez lui ; mais aucun détail n’a assez d’importance pour être relevé. Il n’y a de véritable intérêt qu’avec la discussion contre la dissolution, combattue par Victor Hugo.


21-22-23 juin. — Je n’ai pu écrire jour par jour, tant a été violent le tourbillon. J’ai commencé le 21 juin par songer à la douce Claire ; c’est l’anniversaire de sa mort (21 juin 1846) ; puis j’ai mis dans mon portefeuille du Sénat la lettre de Petite Jeanne avec mon discours pour lui porter bonheur.

Nous sommes partis pour Versailles par le train d’une heure. A deux heures et demie, je suis monté à la tribune. Mon discours a duré trois quarts d’heure. Les ministres se sont tus. Jules Simon l’a constaté. Puis il a parlé à son tour, supérieurement. Réponse de M. de Broglie, tortueuse et médiocre. Pendant la suspension de la séance, je suis allé au vestiaire du Sénat, qui est au second étage, changer de linge. Je m’y suis rencontré avec Jules Simon ; nous nous sommes de nouveau serré la main. M. Béranger a parlé. Fort bien. Pendant son discours, j’ai corrigé les épreuves du mien (pour le Journal officiel). La séance n’a fini qu’à huit heures un quart. On a allumé les lustres ; C’est curieux aujourd’hui, le plus long jour de l’année. L’archiviste du Sénat, est venu me demander le manuscrit de mon discours pour les archives du Sénat. Je verrai si je dois le donner.

Audiffret-Pasquier m’a paru assez aigre pendant que je parlais. M’en veut-il ?