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Pardon, dit le « non conformiste » jusqu’à quelle profondeur la bénédiction de votre évêque fait-elle la terre sainte ? — Environ six pieds, dit le ministre. — Fossoyeur, reprend l’autre, creusez la fosse à sept pieds !

Tout en haut d’une page de son carnet, restée blanche comme pour souligner l’importance de cette déclaration, Victor Hugo écrit : « Mon livre sera intitulé : Essai d’explication. » Cette intention n’a pas été réalisée, et le livre de l’Explication nous manque. Mais ça et là Victor Hugo en a jeté les fragments. Celui-ci, sous le titre Science : « La philosophie éclaire comme la lanterne sourde et ne jette de la lumière en avant qu’à la condition de faire de l’ombre derrière elle. »

Cet autre, sous le titre Roman :

Il me disait parfois : Les nombres sont des forces. Un jour il me dit : Posez 3, le chiffre des Grâces, et 9, le chiffre des Muses. Interposez ces deux nombres, vous avez 39. Divisez 39 par 3, le nombre mystère, vous avez 13. Cela veut dire que ceux qui aiment sous cette double influence, beauté et poésie, chair et esprit, auront, mêlés à leur destinée, ou treize êtres composés du nombre mystérieux 3, ou trois puissances du nombre vertébral 13. De là les fatalités qui traversent les amours des poètes.

Ce sens mystérieux de certains chiffres, que Victor Hugo prêtait ainsi a un personnage d’un roman projeté, lui était, à vrai dire, une idée propre, et qui l’obsédait. « Trois est le nombre parfait, lit-on dans le Post-Scriptum de ma vie. L’unité est au nombre trois ce que le diamètre est au cercle. Trois est parmi les nombres ce que le cercle est parmi les figures. Le nombre trois est le seul qui ait un centre. » Et la combinaison du chiffre 3, qui représente les Grâces, avec le chiffre 9, qui est celui des Muses, revient dans Toute la Lyre :

La belle s’appelait Mademoiselle Amable.
Elle était combustible et j’étais inflammable.
Un treize, je la vis passer sur le Pont-Neuf.
Les Grâces étaient trois, les Muses étaient neuf ;
Et c’est là ce qui fait sacré le nombre douze. et treize fatal.
Donc un treize…

Ce premier carnet de Victor Hugo était clos le dimanche 16 mars 1856 sur un compte de loyers.