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Gros, petits, beaux, vilains, chauds, froids, droits, de travers,
Grouillant d’hommes ou pleins d’anges blancs aux airs rogues.
Je suis l’apothicaire et j’apporte mes drogues,
Je mêle à ce qu’il fait quelques ingrédients,
Et je viens l’assister de mes expédients,
Et lui rendre à genoux mes services immondes,
Dans cette diarrhée effroyable de mondes.
D’en bas vous ne pouvez vous figurer l’effet
Que fait cette traînée énorme de désastres,
De chaos, de fléaux, planètes, globes, astres.
Pêle-mêle, le faux, le irai, le vif, le lent,
Le bien, le mal, le beau, le laid, tombant, roulant,
A travers les rayons solaires et lunaires,
Avec un roulement monstrueux de tonnerres.
Il en résulte un tas de cieux et d’univers,
Gros, petits, chauds, brûlants, durs, mous, etc.

Quoique sa verve ne soit pas à bout, le poète arrête ici son énumération pour opposer dans un bref dialogue le magicien et le diable.

LE DIABLE.

Je me tords

LE MAGE.

De douleur.

LE DIABLE.

Bah ! de rire. Vous autres,
C’est bon, vous admirez ; mais nous, nous critiquons.
Voyez-vous. Nous avons en enfer des balcons.
De là, Mage, on observe, on voit Dieu dans sa sphère,
Et du haut de la flamme on raille la lumière.

Cette formidable imagination fonctionne comme une machine et elle ne s’arrête pas pendant le sommeil. Le poète fait, en dormant, des vers qu’il note au réveil. Dans la nuit du 2 au 3 février 1856, l’idée d’un banquet des hontes lui suggère cette image :

Tous les vices y sont, toutes les turpitudes,
Et tout en bas, dans la salle rôdant,
Chienne, entre les gros pieds de ces rieurs funestes,
La prostitution, la mangeuse de restes.