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VICTOR HUGO
CARNETS ET DESSINS INÉDITS [1]

Quand Alexandre Dumas fils, recevant Leconte de Lisle à l’Académie française, comparait l’œuvre de Victor Hugo à un édifice énorme, et qu’il s’efforçait d’en décrire la complexité, il ne connaissait pas encore toute cette œuvre, dont de vastes parties restaient inédites, et il ignorait surtout la variété et la solidité des soubassements sur lesquels elle s’appuyait. Victor Hugo fut un des plus grands travailleurs que la littérature ait connus. Dès qu’il sera traité comme un classique et qu’on lui appliquera les méthodes critiques dont les écrivains du XVIIe siècle ont été jusqu’ici presque exclusivement les bénéficiaires, on sera surpris de voir que son labeur égala son génie. Les sources de son inspiration témoignent d’une puissance de travail extraordinaire. Comme Molière, il prenait son bien où il le trouvait, mais il se donnait la peine de le chercher et de le découvrir.

Il ne s’appliquait pas d’ailleurs à une seule œuvre. Spiritus ubi vult spirat. Son esprit et son imagination l’entraînaient au même moment dans des directions diverses et plusieurs sujets l’occupaient à la fois. Cette variété faisait, en 1822, l’étonnement de sa fiancée. « Oui, mon ami, lui écrivait-elle, j’ai été contente que tu aies travaillé… Peut-être serais-je

  1. Sources : Carnets de Victor Hugo. — Gustave Simon : Les Annales, du 2 janvier au 6 mars 1910. — V. Hugo : Choses vues et Théâtre en Liberté. (Édition de l’Imprimerie nationale.) Les textes inédits empruntés aux Carnets sont imprimés en italiques.