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l’ordinaire confusion des catastrophes? Dès le 9, dans une dernière proclamation, le prince Max de Bade annonçait que la résolution était prise. Le texte de ce manifeste est à retenir en entier : c’est le seul fil qui puisse servir à se conduire dans les ténèbres où le monde est plongé sur ce qui se passe réellement et ce qui se prépare peut-être en Allemagne. « L’Empereur et roi, disait le prince, a décidé d’abdiquer. Le chancelier restera en fonctions jusqu’à ce que les questions se rapportant à l’abdication de l’Empereur, à la renonciation du Kronprinz au trône de l’Empire allemand et de Prusse, et à l’installation d’une régence soient réglées. Il a l’intention de proposer au régent la nomination du député Ebert comme chancelier et le dépôt d’un projet de loi portant fixation immédiate d’élections générales en vue d’une assemblée allemande constituante qui aurait pour tâche de déterminer définitivement la constitution future du peuple allemand, y compris les éléments qui pourraient désirer entrer dans le cadre de l’Empire. »

Interrogeons premièrement cette formule, ces titres joints dans une intention qui n’est pas ici de redoublement de majesté : « l’Empereur et roi. » C’est qu’en effet ils sont inséparables. Dans le droit public de l’Empire fondé en 1871, il n’y a ou il n’y avait d’empereur, que parce qu’il y a ou il y avait un roi. Le roi de Prusse, par le fait qu’il était roi de Prusse, devenait empereur allemand. Empereur allemand et non empereur d’Allemagne : la politesse exagérée des chancelleries étrangères lui a seule reconnu protocolairement cette qualité que les princes, ses collègues, lui avaient, lors de la fondation de l’Empire, positivement et formellement refusée. La fonction impériale n’était vraiment, et au pied de la lettre, qu’une fonction. On sait que, pressé d’affirmer son existence et fort embarrassé de l’organiser autrement, le nouvel Empire adopta à la hâte pour constitution, en se contentant de la démarquer, la constitution de la Confédération de l’Allemagne du Nord de 1867. Il y avait un chapitre intitulé : la Présidence, das Præsidium. On le débaptisa, on le badigeonna au goût du jour : on le recouvrit en quelque sorte du manteau impérial; on l’appela: l’Empereur, der Kaiser. Mais ce changement de surface ne changea rien au fond. Sous la différence des noms, la substance juridique demeura la même. L’autorité la plus considérable de la science allemande en droit public et constitutionnel, le professeur Laband, de l’ex-Université de Strasbourg, dont le loyalisme germanique ou même l’impérialisme n’était pas douteux, exprimait là-dessus une opinion catégorique :