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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




« Ainsi, écrit Bossuet au chapitre premier, livre troisième, du Discours sur l’histoire universelle, quand vous voyez passer devant vos yeux, je ne dis pas les rois et les empereurs, mais ces grands empires qui ont fait trembler tout l’univers ; quand vous les voyez se présenter devant vous successivement, et tomber, pour ainsi dire, les uns sur les autres ; ce fracas effroyable vous fait sentir qu’il n’y a rien de solide parmi les hommes, et que l’inconstance et l’agitation est le propre partage des choses humaines. » Ce langage qu’un Bossuet pouvait tenir à l’héritier d’un Louis XIV, ce serait probablement en vain qu’il serait tenu au Kronprinz, digne héritier de Guillaume II : tous les deux, le père et le fils, ont fait une si vilaine sortie ! Mais ce qui n’est plus la leçon des rois peut encore servir à l’enseignement des peuples. Jamais plus ample matière ne s’est offerte à leurs méditations. Quels bouleversements ! Que de ruines ! Que de germes ! Comme il faudrait que l’Esprit soufflât sur la terre et sur les eaux !

Le 6 novembre, l’Allemagne, abandonnée par ses trois complices, l’un après l’autre, avait envoyé au quartier général du maréchal Foch, une délégation « chargée de conclure un armistice et d’entamer des négociations de paix. » Les « pouvoirs, » parfaitement en règle, que produisit le chef de cette délégation, M. Mathias Erzberger, secrétaire d’État à la propagande, lui avaient été conférés par le chancelier impérial, prince Max de Bade. À cette date, il y avait donc, de toute évidence, un chancelier d’Empire et par conséquent un Empire. Deux jours auparavant, le 4, de toute évidence aussi, il y avait un Empereur, qui adressait au groupe d’armées du Kronprinz un télégramme retentissant, et qui, revenant de visiter les divisions des Flandres, avait partout, au dire de son historiographe